mercredi 27 février 2008

News You Can Use

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La presse locale est obligée de remettre en chantier son métier. Les médias numériques ne la menacent pas, ils menacent la routine dans laquelle elle s’exténue. Quel métier ? Il faut s’interroger d’abord sur les demandes des lecteurs et, plus encore, des non-lecteurs. Sans a priori
Un rapport vient d’être publié par The American Press Institute : "Making the Leap Beyond 'Newspaper Companies". Constitué d’études de cas et de recommandations générales, il invite à redéfinir les objectifs de l’entreprise de presse locale, compte tenu de l’évolution globale du marché de l’information.

«News you can use» dit un ancien slogan (« informations qui servent à quelque chose »). Slogan de plus en plus pertinent, selon ce rapport : le lecteur d’un journal attend d’abord des fonctionnalités et des contenus utiles. Quelle est la fonction d’utilité associée au lecteur ? Comment maximise-t-il le rendement de son investissement de lecture ? Où vont ses préférences ? Que veut-il ? Quelque chose qui l’aide, dans la vie courante la plus triviale. Il lui faut savoir ce qui se passe, ici et maintenant, dans l’espace étroit où se déroule sa vie, tous les jours. Il a besoin d'une information pour communiquer, être en relation avec les autres, les services, les administrations, les commerces, pour partager, comme l’exprime l’exacte étymologie de «communiquer». Et il faut que tout cela soit disponible de diverses manières, chacune technologiquement adaptée aux situations dans lesquelles se trouvent les lecteurs, selon les moments de leur quotidien. 

La revendication d’utilité locale vaut de la même façon pour les contenus publicitaires. Qu’est-ce qu’une intervention publicitaire locale, dans un magazine, un quotidien ou un site Internet si ce n’est la première étape d’une transaction, d'une mise en relation qui se terminera sur le point de vente, virtuel ou réel ? Et la mesure des lectorats prend un tout autre sens.

Dans la demande du public, à en croire ce rapport, la part de l’information générale, nationale, non localisable, est mince, car cette demande est - ou sera - bientôt satisfaite par d’autres moyens. 

En résumé, toutes les informations, les contacts, les solutions, partout, tout le temps.
L’entreprise de presse locale à venir est décrite comme une « nouvelle sorte de service fournisseur d’information locale et de connexion » ( « a new kind of local information and connection utility »). Cette nouvelle entreprise qui « rend service » est indifférente aux technologies, aux supports : papier journal, sites Internet, magazine, annuaire, vidéo, blogs, podcasts, flux RSS, suppléments, newsletter, site mobile, SMS, affichage numérique, il faut de tout pour faire un lecteur... et pour faire un journaliste.
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mardi 26 février 2008

Apollo, atterrissage en catastrophe

Testé depuis 2005 sur le marché de Houston (Texas, DMA N°10), le projet Apollo consistait en une énorme enquête de type source unique (single source), une de ces enquêtes où l’on obtient pour un même consommateur des informations sur ses achats de produits et sur sa fréquentation des médias (« consumer-centric vision »). Pour cela Nielsen fournissait des données de consommation (HomeScan) et Arbitron des contacts média radio et TV (Portable People Meter), à quoi s’ajoutaient des informations collectées en ligne sur les lectures de presse. Superbe théorie. Soutenue par de grands annonceurs de la grande consommation (dont Procter & Gamble, Kraft, Wal-Mart, Pepsi, Pfizer, SC Johnson, Unilever). Budget astronomique.

Conduit simultanément par les deux puissances légitimes de la mesure d’audience aux Etats-Unis, Apollo devait livrer des outils définitifs en termes de médiaplanning et des réponses opérationnelles quant au retour sur investissement publicitaire. Utopie cross-media de l’approche dite «360°». Tentation lancinante.

Devant la promesse d’un tel édifice, chacun y est allé de son discours de célébration, obligé, intéressé («Conceived as a breakthrough service for the next century», http://us.acnielsen.com/pubs/2004_q4_ci_media.shtml).

Et la langue de bois déversa ses power points.

Et pourtant, à y regarder de plus près, « sans prévention ni précipitation », ce projet conjuguait tous les traits d’une splendide usine à gaz, riche en tuyaux qui fuient et robinets qui coulent, en quotas introuvables et statistiques osées.

Et même sans le secours d’un très «malin génie», aux exigences de rigueur «hyperboliques», on aurait pu douter davantage : d’abord le budget, alors que beaucoup d’acteurs professionnels rechignent à payer la mesure de base, ensuite l’hétérogénéité de la collecte, la complexité du travail statistique qui s'en suit (fusion, modélisation, etc.) auraient dû inquiéter. Et puis, quand même, quelques médias étaient tenus à l’écart, Internet, la publicité extérieure, une grande partie des médias hors foyer (out-of-home), le marketing direct, etc. tout cela représentant bien plus de la moitié des investissements publicitaires.

Projet média pharaonique, dispendieux, aux nobles ambitions, qui était au marketing ce que le France et le Concorde furent à l’économie des transports grand public. Très grand panel (11 000 personnes dans 5 400 foyers, preque autant que le panel audimétrique national) pour un tel montage, mais si petit au regard de ce qui se peut pratiquer dans les médias numériques (TNS Media Research met en place un panel de 100 000 foyers avec DirecTV, par exemple). De plus, l' échantillonnage par quotas est si délicat qu’il est difficilement plausible : qui donc accepte de participer à ce type d’enquêtes, quelle représentativité, quelles études de calage adéquates au rythme des changements à prendre en compte ?

Cet atterrissage en catastrophe devrait signer la fin de ce genre d’aventures. Une époque des études publicitaires est en train de s’achever. Le numérique rend possibles d’autres approches associant consultations des médias et comportements d’achat, des tailles de panels passifs autorisant les échantillages aléatoires, des statistiques plus raisonnables.

Comment penser les conditions de l’erreur, l’épistémologie de tels fourvoiements : pourquoi une telle cécité de la part de si grands professionnels qui, mieux que nous, savent tout des limites nouvelles des formes traditionnelles d’enquête ? Difficulté de sortir des habitudes, de penser la rupture, même évidente, que consomment et l’évolution des médias et l’évolution des modes de vie. Peut-être aussi qu' à force d'être dans le feu de l'action, comme l'observe le Fabrice de Stendhal à Waterloo, il arrive que l'on n'y voit plus rien. En tout cas, ce sera une "erreur positive".

mardi 19 février 2008

ESPN The Magazine, en ligne avec la télé

Le magazine bimensuel du groupe de télévision sportive américain ESPN, (filiale de Disney) est en ligne. Un site à son nom, pour son dixième anniversaire.

Le site s’ouvre sur un planisphère interactif en plein écran permettant de situer d’un seul regard l'ensemble des plus grands événements mondiaux du sport à un moment donné, titrant à la manière d’Eratosthène et des géographes d’autrefois « THE WORLD (ACCORDING TO US) ».

http://sports.espn.go.com/espnmag/index

En ligne, le magazine s’affirme quotidien (ESPN The Mag. Daily). Truffé de blogs et de sujets vidéo, il s’essaie à prendre des airs de chaîne de télévision. Et y réussit. Robbyn Footlick, le rédacteur en chef parle de « lunchtime programming » pour évoquer la grille de ce type de média consommé de plus en plus souvent au bureau, au moment de la pause repas sur un écran d’ordinateur, et bientôt sans doute sur un écran de téléphone via Wi-Fi (cf. iPhone). Nielsen Online (VideoCensus) a effectivement distingué un prime time pour les sites de TV entre 12H et 14H en semaine. La Une, page d’accueil, ne comporte que peu de texte, hormis les grands titres, liens et menus déroulants. La publicité est pour l'instant en bandeau de haut d'écran (full banner) ; premier annonceur, Porsche (Cayenne), avec un lien vers son site.

Deux marques ou une seule ?

Le statut, le positionnement d’un site par rapport au média antérieur de même marque restent confus tant du point de vue du marketing de la régie que du marketing de la rédaction ou de l’antenne.

A son lancement, ESPN The Magazine apparut comme une extension de la marque télévision ; il s’agissait d’ailleurs du second lancement d’un magazine par ESPN après l’échec retentissant, en 1988, de TV Sport. Depuis, le magazine était réduit en ligne à une entrée dans le site espn.com : « The Sports Guy’s World ». Une déclinaison de la marque existait déjà en radio. Pour ESPN donc, il y a plusieurs supports et une seule marque. Et le magazine semble comme une marque dans la marque, puisqu'il a son site à part.

Pourtant, les contenus, la ligne rédactionnelle du site soulignent l’évolution de la presse lorsque Internet s’en saisit. Mais faut-il encore parler de presse ? Pourquoi ne pas comprendre plutôt que le magazine est la version papier, arrêtée, simplifiée, statique d'un site ? Ni le support, ni l’organisation des contenus, de plus en plus souvent audio-visuels, ni les ergonomies de lecture et de recherche, rien sur le site ne ressemble plus à un magazine. Et surtout pas la publicité, pour partie, croissante, interactive, ciblée et personnalisée à la volée selon les comportements modélisés.

Reste la marque qui les unit, justifie des additions d’audience et de notoriété. Les médias ont bien du mal à concevoir la liberté du lecteur, qui n’en fait qu’à sa tête et conjugue et décline à sa manière la relation éventuelle du papier et de l’écran.

La grammaire des consommations média est encore à imaginer.

lundi 18 février 2008

quadrantOne, couplage Internet plurimédia

Quatre groupe médias américains s’allient en une joint venture pour constituer un réseau publicitaire en ligne (online ad-sales network) : Gannett Co., Tribune Co., Hearst Corp. et The New York Times Co. Au total, 120 titres régionaux et plusieurs stations de télévision locale. 50 millions de visiteurs uniques / mois selon Nielsen, répartis dans 27 des 30 premiers marchés locaux (DMA). Quelques semaines plus tard, trois nouveaux groupes de presse rejoignent l'opération, McClatchy Co., A.H. Belo Corp. et Media General Inc. Désormais, le couplage réunit 250 quotidiens.

http://quadrantone.com/

Chacun des médias associés met des emplacements de qualité, dédiés, dans le pot commun. quadrantOne n’est pas exclusif : d’autres partenariats de ce type existent déjà pour la presse régionale, Yahoo Newspaper Consortium (634 titres dont 425 quotidiens, mais pas les titres de Gannett ou Tribune) et Google Print Ads (avec le Los Angeles Times et le New York Times).

L’ensemble permet le ciblage géographique, comportemental et contextuel (thématiques larges correspondant aux sections des journaux), tout en gardant l’image de marque et la notoriété construites par les versants off-line des médias : « Trusted Brands. National Reach », « Marques de confiance, couverture nationale ».

http://quadrantone.com/files/quadrantONE_Affiliate_List.pdf

Quelle est la logique économique d’un tel couplage ?

Tout d’abord, il réalise un produit qui n’existait pas auparavant. Chaque support support peut vendre, en plus, de l’espace national, régional ou pluri-local. Pour les annonceurs, il permet d’accéder à un média en ligne sur mesure, à portée nationale. Montage classique (cf. le récent couplage, Cox Cross Media, de Cox Television). En revanche, ce qui est nouveau dans le produit quadrantOne est l’association, grâce à Internet, de médias jusqu’à présent hétérogènes, papier et télévision. D’autres médias locaux peuvent d’ailleurs rejoindre quadrantOne, stations de radio, médias numériques de point de vente ou de transport … stratégie et mesure 360° !

Ensuite, il s’agit d’une association de quatre groupes pour la mise en place d’une plateforme technologique qui leur sera propre, au lieu de recourir à celle de Google ou Yahoo, concurrents potentiels de leurs régies. Pour être efficace, cette plateforme devra garantir aux annonceurs la réduction globale des coûts de transaction… L’objectif déclaré de quadrantOne est effectivement de permettre une transaction simple (un seul acte d'achat pour plusieurs supports), un bilan de campagne global et standardisé (reporting).

On voit à l’œuvre, dans ce couplage, le travail homogénéisateur des technologies Internet, qui créent une monnaie publicitaire unique, divisible, et qui en abaissant les coûts de transaction (cf. le débat théorique sur le théorème dit de R. Coase) conduisent des régies publicitaires à confier à des entreprises extérieures des activités qu’elles auraient autrefois développées en interne.

Internet dissout la notion de média pour ne garder que celle de support.

mardi 12 février 2008

Internet sort vainqueur du conflit studios / scénaristes

Internet ne veut plus faire média à part

Une élection discrète mais qui concerne indirectement tous les Américains, et, mondialement, tous les téléspectateurs, a réuni 10 500 électeurs aux Etats-Unis. Le scrutin concernait de la poursuite ou de l’arrêt de la grève des scénaristes syndiqués (Writers Guild of America), entamée il y presque 4 mois contre les studios (Alliance of Motion Picture and Television Producers). L'arrêt de la grève après 100 jours a été décidé par 92,5% des votants : les scénaristes retournent au bureau écrire la suite des aventures de "Grey's Anatomy", "House" et autres "Uggly Betty".

La raison de la grève : la rémunération des scénaristes lorsque leur travail est diffusé, streamé, téléchargé sur Internet (fixe ou mobile). La règle est qu’ils reçoivent une rémunération pour les scenarii exploités par les chaînes et stations de télévision, à quoi s’ajoutent des droits résiduels (residuals) pour les marchés secondaires (ancillary markets), VHS, DVD notamment mais pas Internet. Les scénaristes s’étaient déjà fait gruger par les studios dans le cas des cassettes puis des DVD. Cela ne devait pas passer avec Internet. Rappelons que en 1988, sur une question de residuals déjà (diffusion à l'étranger notamment), la grève des scénaristes avait duré plus de 5 mois !

Les grévistes ont obtenu 2% sur les revenus encaissés par les studios pour toute exploitation de leur travail sur Internet (et non un montant forfaitaire comme l’escomptaient les studios), 1,2% des paiements effectués par les internautes pour les téléchargements (et inversement lorsqu’une série réalisée pour Internet est diffusée en télévision). Ils ont obtenu les mêmes conditions (assurance santé, retraite) pour les scénaristes travaillant pour Internet que celles des scénaristes travaillant pour la TV traditionnelle. Ils accèdent aussi aux données financières de l’exploitation des séries (pour vérifier leur dû). Enfin, ils obtiennent une augmentation de 3,5% des salaires (3% seulement pour le travail distribué en prime time).

Une nouvelle négociation est prévue en 2011 : rythme triennal inadéquat à un univers médiatique qui change si vite. Auparavant, sur le même sujet, une autre négociation est à venir pour les studios : avec les acteurs (Screen Actors Guild) dont le contrat expire le 30 juin 2008.

A long terme, l’enjeu apparaît formidable, si l’on admet que la distribution des émissions (scripted shows) via Internet deviendra significative. La notion de "droits résiduels" et de "média ancillaire" est surannée, tout comme le fut en France, en télévision, celle de "chaînes de complément". Internet est devenu un média stratégique.

Qu'importe le mode de distribution, ce qui compte c'est l'émission. Il faut désormais mettre en en oeuvre une comptabilisation complète des audiences d'une émission, tout mode de distribution inclus. Et peut-être concevoir aussi des modalités d'intervention publicitaire transversales, également indépendantes des supports.

mardi 5 février 2008

Super Bowl, super pubs

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Depuis le 15 janvier 1967, où triomphèrent les Green Bay Packers, le Super Bowl est la finale du championnat de football américain. C’est aussi, désormais, la finale d'une sorte de championnat de la publicité télévisée américaine de l'année.

Cette année, la régie de Fox a vendu 63 emplacements de 30 s à 2,7 millions $ pièce (prix net), en moyenne (au total, 45mn10s de publicité, parrainage et autopromotion compris, selon TNS). Les messages étaient aussi placés sur le réseau social MySpace ce qui en a plus que doublé l'audience) puis, dès le lendemain, les messages étaient visibles sur de nombreux sites Internet, dont ceux de la presse. Parmi les messages, 8 concernaient des films en salles. Parfaite synergie de trois médias audio-visuels. USA Today, le seul quotidien national américain généraliste, a mis en place depuis longtemps un AdMeter pour évaluer la réception des messages et donne à regarder sur son site les messages agrémentés des taux d’intérêt de téléspectateurs. Voir YouTube aussi et son AdBlitz, et bien d'autres.
  • Evénements télévisuels et Internet vont bien ensemble. Pour peu que l’on en conçoive, en amont, la complémentarité et l’interaction. Car dans cette affaire Internet n’est pas un média ancillaire. La création triomphe donc, et l’on en oublierait les clichés obligés sur l’encombrement publicitaire (clutter), l’art d’éviter les écrans publicitaires, intrus et intrusifs (zapping, skipping, zipping, etc.) à coup de PVR, de TiVo, de télécommande. TiVo, qui, pour l'occasion, sert à revoir la pub, encore et encore : ainsi, dans les ménages équipés de TiVo, regarde-ton plus la publicité que le match. L’intrusion, c’est la pub médiocre qui s’impose au mauvais moment, à la mauvaise cible, à haute fréquence. D'ailleurs, la meilleure audience de l'événement télévisuel revient à un spot publicitaire, celui de Victoria's Secret (103, 7 millions de personnes contre une moyenne émission de 97,5, selon Nielsen). Très fort taux de rétention donc et aussi excellente mémorisation (recall), avec des taux supérieurs à 66%.
  • Quand la pub est bonne, placée où il faut, quand il faut, le téléspectateur en demande. Et il en redemande, sur Internet, où, si l’on en croit une enquête de comScore, il se rend autant pour consulter une information sportive que pour regarder la publicité. Pour 26% des téléspectateurs (35% des femmes, 16% des hommes), la pub est l'un des meilleurs moments du Super Bowl (« What is your favorite part of watching the Super Bowl? Watch the ads »), loin devant l’intermède de variétés diffusé à la mi-temps. 
Bravo les annonceurs ! Ils attirent l’audience, notamment l’audience féminine, suscitent son engagement, et, en plus, ils paient très cher. Le taux global de répétition, que l’on ne sait guère évaluer - pas mieux que l’engagement - doit être spectaculaire.
Selon Akamai, qui traque les audiences Internet pour la plupart des annonceurs du Super Bowl, le pic d’audience Internet est lié à la diffusion par Fox d'un message pour un site Internet : les visiteurs sont venus sur GoDaddy.com regarder le spot refusé à la télé !
Selon Nielsen, qui mesure les audiences télévisées, Budweiser l’emporte en nombre de téléspectateurs (spot créé par DDB Chicago). Mais le téléspectateur internaute, qu’a-t-il vu, combien de fois ? La création en matière d’évaluation de l’audience est encore à la traîne.
L’an prochain, le 1er février, c’est au tour du network NBC de retransmettre le 43ème Super Bowl. Mais d’ici là, nous aurons l’Euro 2008. La compétition publicitaire aura-t-elle lieu, en France ?
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samedi 2 février 2008

Lapsus télévisuel et corruption de la langue

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En direct à l’antenne, une jeune présentatrice de PRO 7, l’une des principales chaînes privées de télévision allemande (dans l'émission "Nightloft"), s’adresse à un téléspectateur qui a téléphoné : “Allons, tu dois être un peu enthousiaste, et ... travailler ... le travail rend libre”, suivi d’éclats de rire (“Ja aber komm, da musst Du ein bisschen enthusiastisch und... yeah arbeiten... Arbeit macht frei"). Cette répartie, d’où elle se trouve drôle, reprend le slogan qui surmontait la grille d’entrée de nombreux camps de concentration et d'extermination nazis. Cette présentatrice n’en savait sûrement rien. 

Ignorance satisfaite et béate de la présentatrice, qui s’excusera à la fin de l’émission invoquant le direct pour se justifier, "call-in Sendung" et “live moderation” ! Comme si le direct à bas prix donnait le droit de mettre et dire n'importe quoi à l'antenne.

Mise à jour 9 juin 2012 L'enregistrement de cette partie d'émission a été retiré de YouTube.

Au-delà de ces sinistres éclats de rire, tout ceci rappelle la force des mots, qui parlent à notre place, bien au-delà de ce que l’on pense. Car l’on parle toujours plus que l’on ne pense, surtout dans les médias. Et qui rappelle aussi le travail de “dénazification” d'une langue allemande empoisonnée que se proposaient, par exemple, le poète de langue allemande Paul Celan, mais aussi l’observateur méticuleux de la langue nazie, Victor Klemperer (LTI. Notizbuch eines Philologuen, 1957, Reklam Verlag, Leipzig). 

La langue est notre média de base, et les mots la matière première même des médias.