dimanche 30 mars 2008

Le taux d’intérêt de la presse


Le Wall Street Journal n'était pas encore acheté par News Corp., à l'automne 2007, que l'on trompetait déjà que la partie payante du site (plus d’un million d’abonnés) serait bientôt gratuite. Début janvier 2008, marche arrière : elle reste payante et plus chère (119 $, et 59 $ pour les abonnés à la version papier- écart qui laisse présumer de la valeur ajoutée de l'édition en ligne). On annonce des extensions gratuites (sport, politique politicienne, etc.), des ouvertures au gratuit (opinion, interviews vidéo, éditoriaux), peu importe, le modèle économique mixte reste en place. 
Quel raisonnement préside à ce revirement, outre le bon sens gestionnaire puisqu'un modèle mixte est moins vulnérable aux aléas du marché publicitaire ? Abordons plutôt la question sous l'angle du mediaplanning.

Le payant est doublement payant : il est signe d’un meilleur taux d’intérêt des lecteurs, d’où la valeur primordiale accordée en mediaplanning à la Diffusion Payée). La Diffusion Payée situe un lectorat primaire (qu'il faudrait plutôt appeler "premier", comme "primary"), qui a décidé de lire, et pour cela, d’acheter. Les lecteurs qui paient ne sont ni des lecteurs «en passant» ni surtout des passants qui lisent ; ils ne sont pas de ceux que Nietzsche appelait "les oisifs lisants" (je traduis littéralement "die lesenden Müßiggänger", que d'autres traduisent "ceux qui lisent en badauds"). Lecteurs engagés. Coeur de cible que recherchent annonceurs et mediaplanners, car il garantit la justesse de l’achat média.
Faire payer les lecteurs, leur proposer des contenus dont ils ont besoin, c’est les convaincre d’investir (les lecteurs mettent leur argent où il voient leur intérêt, il font, dans les deux sens de l’expression, crédit au média, crédit renouvelé, numéro après numéro). C’est aussi assurer une valeur supérieure à ces lectures et aux espaces publicitaires qu’elles découvrent. De plus, quand les lecteurs sont abonnés, il ont confié au titre des informations pertinentes que la régie peut utiliser (opt-in) pour leur proposer en plus des informations commerciales adéquates.
Cercle vertueux : le payant est payant car le payant valorise l’espace publicitaire.

Pour instruire plus avant cette affaire, prêtons attention à une décision récente de l’organisme d’audit de la presse américaine, ABC (Audit Bureau of Circulation, équivalent européen de l’OJD). L’ABC a décidé que sera considéré comme contribuant à la Diffusion Payée (paid circulation, DFP en France), tout exemplaire acheté, quelle que soit la part du prix facial payé (c’est déjà la cas pour les magazines). Jusqu’à présent, un quotidien devait indiquer pour le rapport d'audit la part des exemplaires payés au moins 50% de leur prix facial et la part entre 25 et 50%. A cela s’ajoutent d’autres modifications ; n’entrons pas dans les détails : retenons que la notion de payant s’étend notamment à des exemplaires que le lecteur obtient gratuitement (grâce aux compagnies aériennes, aux hôtels, aux cabinets médicaux, etc.).

C’est ainsi qu’une notion claire pour le mediaplanning, précise, qui différentiait la presse que l’on prend et que l’on paie de celle que l’on vous met en mains, s’évanouit. On a dissocié le paiement de la lecture. D'autres notions techniques indispensables chavirent en cascade : taux de circulation, lectorat secondaire (pass-along readers)... Qui audite les auditeurs ?
Revenons encore au coût de transaction : peut-on affirmer que plus un lecteur accepte un coût de transaction élevé plus il est motivé ? Ainsi pourrait-on ordonner les lecteurs : d’abord celui qui se rend dans un point de vente presse, au jour et à l’heure de sortie du titre, paie et emporte son quotidien ou son magazine, puis celui qui s’abonne pour n’en manquer aucun, jusqu’à celui, enfin, lecteur d'occasion qui n’a rien demandé et à qui l’on met dans la main un titre et l’abandonne sur place, ou encore à celui qui le reçoit malgré lui dans sa boîte aux lettres. 
Entre ces extrêmes : Internet, car on paie l’abonnement global à un fournisseur d’accès, Internet qui demande que l’on recherche le titre ou l’article, et que parfois l’on paie en confiant ses coordonnées pour recevoir une information commerciale choisie (lectorat hautement qualifié).
Bien des notions que nous avons ânonnées méticuleusement en agences média et en régies se trouvent aujourd’hui chamboulées par les nouveaux modèles économiques des médias (le modèle mixte existe aussi en radio, TV, musique, etc.). Sur quelles études fondera-t-on les nouvelles notions ? Faut-il encore distinguer "achetorat" et "lectorat", selon quelle arithmétique les combiner ? Un beau chantier à ouvrir : réparation, construction.

vendredi 28 mars 2008

L'exception chinoise : note de lectures


Bruce Dover, Rupert’s Adventure in China. How Murdoch Lost a Fortune and Found a Wife, 2008, Tuttle Publishing, 302 p. Index

Ce livre est une fable : celle du patron d’un groupe multimédia international qui voulait aller en Chine. Agréable à lire, sans prétention théorisante, écrit par un briscard de l’armée de Rupert Murdoch. Donc, Murdoch voulait implanter News Corp. en Chine pour disposer d’un réseau satellitaire mondial (avec DirecTV aux Etats-Unis, BSkyB et Sky Italia en Europe, et Star TV en Asie) et, partant, d’un formidable network publicitaire mondial. De l’intérieur, l’auteur raconte toutes les opérations, les stratagèmes imaginés, la politique des petits pas et des grands repas. Il décortique l’art de collectionner les relations intéressées (guanxi, 关系) et celui, méticuleux, de les mobiliser opportunément : tout ceci dans l’espoir qu’administration et gouvernement autoriseront les foyers chinois à s’équiper d’antennes paraboliques pour recevoir du ciel les bienfaits de la télévision occidentale. Rien n’y fit. Les gouvernements successifs ont littéralement baladé, au prix fort, News Corps et ses missi dominici

Les médias Chinois aux Chinois : application de la "doctrine Monroe" à ses promoteurs américains. Manifestement, comment s’en étonner, la Chine a retenu la leçon des humiliations et des souffrances des années de colonisation occidentale (guerres de l’opium, Révolte des boxeurs, etc.). Et elle ne s’en laisse pas conter par ceux en qui elle ne voit plus que des « tigres de papier » (紙老虎). Et dans Google et Facebook et que des tigreaux numériques.

Ouvrir sa télévision aux étrangers, c’est risquer une partie de sa souveraineté. Les médias, rappelle cette fable moderne, ne sont pas des produits d’importation comme les autres : que faire pour que cette indispensable ouverture ne soit pas une abdication culturelle ? Prudents, les gouvernements chinois attendent, semble-t-il, que les médias chinois soient en état d’affronter la concurrence à armes égales. 

Pour tous ceux qui s’imaginent encore que la "Chine est proche", que la mondialisation est "un dîner de gala", la leçon de ce livre sera salutaire. Elle recoupe d’ailleurs celle d'une autre expérience, savoureuse elle aussi, de la distance qui sépare la culture de gestion occidentale de la chinoise, exposée dans un livre fameux, Mr China, de Tim Clissold : les tribulations d’un banquier de Wall Street en Chine. Le récit de toutes ces erreurs constitue un superbe cours de gestion, « par l’exemple négatif », comme dit justement l’expression chinoise.

mercredi 19 mars 2008

Focus Media : et la publicité prit l'ascenseur

Ecran près d'un ascenseur à Shanghai. Photo FM
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Focus Media Holding Limited, 分众传媒, est une entreprise chinoise encore mal connue en Europe (NASDAQ : FMCN). Spécialisée dans l’affichage numérique, elle a commencé en 2003 par installer des écrans dans les immeubles d’affaires des plus grandes villes chinoises. Les écrans sont placés près des portes d’ascenseurs surtout : visibles, inévitables car que faire d’autre, lorsque l’on attend l’ascenseur ? Audience de passants mais surtout d'employés facile à évaluer et à caractériser en des termes permettant un ciblage minimum. Plus de 110 000 écrans, divisés en chaînes thématiques, en groupes cibles.

La diversification de Focus Media s’est effectuée en direction des points de vente où se trouvent près de 50 000 écrans : Focus a racheté son principal concurrent, CGEN. Focus Media investit le hors foyer (Digital-Out-Of-Home) et la mobilité : affichage dans les immeubles résidentiels et commerciaux (poster frame network), publicité dans les multiplexes de cinéma, sur les téléphones mobiles puis affichage urbain (LED, à Shanghai pour l’instant). Enfin, Focus a pris logiquement le contrôle de la première régie Internet chinoise (Allyes).

E juillet 2018, Alibaba prend une participation minoritaire dans Focus Medi dans la perspective d'une intégration avec Uni Marketing.

Le média numérique s'empare du hors média et de la publicité extérieure mais les instruments d’évaluation, qui réduisent le marché à ce qui se mesure clairement et se formule aisément, et avantageusement, laissent cette évolution encore peu lisible au plan publicitaire.  Les données vont changer tout cela.  Alibaba en est garant.
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samedi 15 mars 2008

Révolution discrète dans la mesure de l’audience TV

Un panel local de 320 000 foyers (soit un million de personnes et 3 millions de téléviseurs) vient d'être mis en place dans le marché de Los Angeles. Il permet l’observation automatique anonyme des comportements de consommation TV via la “set top box” (STB, décodeur numérique).

En comparaison, le panel audimétrique national de Nielsen compte environ 10 000 foyers (30 000 personnes) recrutés par quota.

Ce panel est le résultat d’une alliance entre Nielsen et Charter Communications (câblo-opérateur américain et fournisseur de Triple Play, TV, téléphone, haut débit, http://www.charter.com). Le service sera commercialisé par Nielsen dès le deuxième trimestre 2008 pour les achats d’espace publicitaire local et des tests ; comme il existe un panel audimétrique local géré par Nielsen, les confrontations entre les deux méthdodes de mesure seront aisées.

Nous voici revenu au temps des audiences foyer, certes. Mais nous avons aussi quitté le terrain des échantillonnages par quotas, plus ou moins bricolés et inévitablement inadaptés à une période de changements rapides de technologies et de comportements. De plus, le panel est passif : aucun accord, aucune collaboration des foyers n’est nécessaire.

A terme, l’association de ces données issues des STB avec des données d’autres provenances est envisagée, notamment avec des données démographiques (recensement) et commerciales (achats). On peut surtout imaginer une source unique de données numériques saisissant les consommations de télévision et d’Internet. Evidemment, dans un pays où toute la télévision sera numérique dans moins d’un an et où 90% des foyers reçoivent la télévision par abonnement , un panel national aléatoire de quelques millions de foyers est prévisible.

D’autres panels du même type se mettent en place aux Etats-Unis : avec des opérateurs du câble ou du satellite (Nielsen et Google avec Dish Networks, TNS avec DirecTV), avec des opérateurs d’enregistreurs numériques (TiVo, Stop||Watch, https://stopwatch.tivo.com/).

Des panels constants de très grande taille (données temporelles et individuelles) permettent seuls la prise en compte des changements incessants d'équipement, des effets de générations technologiques, etc.). Surtout, ils permettent l'évaluation fiable de l’audience des chaînes aux thématiques étroites, des chaînes démographiquement spécialisantes, des stations locales, etc.

Une révolution est en marche qui changera l’économie des médias publicitaires : des audiences encore plus précises en télévision creuseront l’écart avec les médias restés analogiques (radio, affichage, etc.). Inversement, le passage au numérique de la mesure de la télévision la rend compatible avec la mesure d’Internet : cette convergence des mesures lui permettra de profiter des avancées d'Internet (liens sponsorisés et mots clés, notamment). Des approches numériques pluri-média deviendront dès lors évidentes.

L'économie publicitaire de la télévision s'en trouvera affectée, les coûts de transactions (planning, achat) étant fortement réduits. La mesure actuelle des audiences fonctionne comme une barrière à l'entrée des petites chaînes sur le marché publicitaire (trop peu de leurs téléspectateurs sont dans les panels) ; elles pourront trouver, grâce à de très grands panels et à une mesure mixte (Internet + TV), un modèle économique semi-publicitaire réaliste sans être vassalisées par une grande régie.

lundi 10 mars 2008

Internet, média performatif

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Les annonceurs et les éditeurs australiens réclament des investissements (10 millions de dollars) pour que soit établie une mesure permettant à Internet d’être sur un pied d’égalité avec les médias traditionnels, TV, presse, notamment. Internet est selon eux sous-investi : 10% de part de marché publicitaire contre 18% de part de durée média (« share of media time and our share of advertising revenue »). C’est l’occasion d’introduire un peu de doute à propos des usages de la durée par le marketing des médias. La durée est une notion ineffectuable pour comparer des médias hétérogènes.
  • Lire un journal et passer devant une affiche ne relèvent pas de la même activité psychique, pas plus que regarder la télévision ou passer devant un écran dans un centre commercial, entendre et écouter la radio, etc. Avec une mesure aussi floue, le journal ou Internet perdront toujours au jeu de la part de durée. La durée n’est pas le dénominateur commun des médias. Ou alors il faut au moins lui associer un coefficient correcteur pour prendre en compte l’attention.
  • Comment traiter la dimension multitâche de la consommation médias ? Des durées simultanées peuvent être inégales. Par exemple : écouter la radio en travaillant sur Internet. Les deux médias font l’objet d’investissements d’attention différents de la part des auditeurs internautes. Pour la radio, il s’agit d’un fond de tâche, pour Internet, d’une tâche.
  • La durée est une donnée ambiguë. Par exemple, la durée d'écoute d'un auditeur en compagnie d’une station musicale indique une affinité avec la programmation de la station : elle situe approximativement l’intérêt de l’auditeur. En revanche, sur un site transactionnel, brièveté peut signifier efficacité. La notion de stickyness (cf. taux d’assiduité, DEA) peut être un indicateur fallacieux et celle de bounce rate sans pertinence. La durée passée sur un site n’a de sens que mise en rapport avec la transaction, la conversion (jusqu’où, quel montant, etc.). La durée moyenne de la conversion est alors un indicateur d’efficacité du site (usability), de sa conception, de ses ergonomies. Un site d’information ou de commerce qui améliore son design voit sa durée d’usage par internaute diminuer. La durée, en revanche, est pertinente pour des sites comme YouTube qui font de la TV.
  • On ne mélange pas des occasions de voir ou d’entendre avec des occasions de faire. Il y a des publicités d’accompagnement et des publicités d’action (d’inter-action). Ne les confondons pas dans une nuit de la mesure où toutes les vaches sont noires. Souvent ce qui importe pour un annonceur, ce n’est ni l’audience ni la durée, mais l’accomplissement d’une transaction.
En avril 2001, l’IAB a décidé de changer son nom, substituant Interactif à Internet pour se distinguer des autres médias. En effet, quel média publicitaire est aujourd’hui interactif, quel média permet de passer im-médiatement d’une information à une action (recommander, acheter, demander, comparer, dénoncer, vendre, voter, faire passer, opiner, "like", etc.) ? 
Puisque l’on se complaît à classer les médias, déjà séparés arbitrairement du vaste « hors médias », empruntons aux linguistes la notion de performatifs pour qualifier des médias dont la consommation est de l’ordre du faire et les distinguer des médias inactifs (constatifs, diraient les mêmes linguistes !), dont le faire éventuel s’exécute hors média. Les premiers ont des acteurs, les autres des spectateurs, des passants, des auditeurs. Internet, immobile ou mobile, a aussi des spectateurs et des passants, mais c’est le seul média qui ait des acteurs. D'ailleurs, quand les médias traditionnels veulent se faire inter-actifs, ils se développent sur le Web ou sur des écrans mobiles (multiscrentasking).
On peut en débattre car, manifestement, il n’y a pas consensus sur le rôle de la durée dans la mesure (cf. les modifications introduites récemment par comScore) ; deux points sont susceptibles de faire achoppement :
· Internet (dont l’Internet mobile) est-il aujourd’hui le seul média inter-actif ?
· Que faire de la notion de durée dans les médias ? Quand, à quelles conditions présente-t-elle un intérêt ? N'est-elle qu'un pis-aller, un plus petit commun dénominateur de tous les médias.

mardi 4 mars 2008

Ecrans des villes, vidéo ou non ?

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La Commission des transports du Texas vient d’autoriser, à l’unanimité, les panneaux d’affichage numérique ("digital boards" ou, plus exactement, "changeable electronic signs") le long des voies de circulation, en agglomération ("within city limits"). La réglementation stipule que les images doivent être sans mouvement, statiques, renouvelées toutes les 8 secondes, pas plus rapidement, et visibles dans un seul sens de circulation. Toutes précautions prises au nom de la sécurité routière, afin d’éviter de distraire les automobilistes. Pour l’instant, l'affiche numérique est donc réduite à une sorte de Power Point géant, à la dimension urbaine.

Les panneaux pourront aussi servir pour diffuser des alertes, en cas d’urgence (Amber Alerten cas de disparition d’enfants), d’intempéries ou des informations simples lors d’événements (résultats d’élection, ou de matchs, par exemple).
  • Combien de temps faudra-t-il pour que la vidéo soit autorisée sur les écrans, comme au cinéma ? Rappelons que les auto-radios furent d'abord interdits pour des raisons de sécurité car le législateur de l’époque estimait qu’il fallait choisir : écouter ou conduire. Or nous avons appris qu’un nouveau média éduque toujours son public et transforme l’économie de l’attention et ses habitudes perceptives. Mais, dans l'intérêt du travail publicitaire, les annonceurs ont besoin de tests rigoureux pour comparer l'impact d’une image, fixe ou animée, sur des spectateurs mobiles. Tests qu'il faut étendre aux centres commerciaux, aux gares, au stations de métro, aux aéroports, sur les trottoirs, par exemple, où le passant se déplace.
  • Lorsqu’un nouveau média passe au numérique, nous savons que s’en suit une meilleure gestion des contenus, qu’il s’agisse de publicité ou de services publics, une commercialisation plus fine et plus flexible de l’inventaire, optimisée par tranche horaire ou selon la météo, la circulation (par exemple). Commercialisation ouverte aux enchères (RTB), promise aux places de marché. A court terme, la mesure d’audience sera inéluctablement affectée (grâce au téléphone mobile, au GPS, etc.). On peut aussi en attendre une pige plus précise, sans délai, parfaitement synchronisée avec les données d’audience. Cette communication urbaine rejoint ainsi, dans ses méthodes de travail, le Web et la télévision. Elle rompt avec l'affichage papier, dont elle est souvent prisonnière et qui l'entrave. Les synergies entre médias avec écrans s’en trouveront facilitées, jouant sur les messages délivrés au foyer, en route et sur les points de vente.
  • Etant donnée la taille de ces écrans urbains, la qualité de la création sera plus que jamais décisive, tant pour l’efficacité que pour l’esthétique du paysage urbain, déjà si mal traité. « Les affiches qui chantent tout haut », dans lesquelles Apollinaire voyait de « la poésie », devront être à la hauteur.

lundi 3 mars 2008

Quotidien d’extrême local

Revenons pour quelques lignes à la question des contenus et des lecteurs. Le 29 janvier, Le Télégramme, quotidien de Bretagne, a redessiné sa maquette qui désormais place clairement le nom de l’édition à la une (en haut à droite) : Quimper, Brest, Lorient, Saint-Brieuc, Guingamp, etc. Objectif : clarté et lisibilité.
http://www.letelegramme.com/pdf/pdf3.php
Mais une maquette n’est qu’une organisation, une suggestion de voies de lecture, de feuilletage, un plan de circulation, le lecteur n’en faisant finalement qu’à sa tête. La maquette doit surtout donner à voir les contenus (d’où le rôle des photos, ponctuation, attracteurs des regards).
A l'occasion de cette nouvelle maquette, le rédacteur en chef rappelle sa politique de contenus : "L’ensemble de la rédaction s’est remobilisée autour de la recherche d’informations dans tous les secteurs", "L'objectif est d'avoir chaque jour au moins un sujet d'investigation dans le journal", cf. la dépêche AFP-Google, illustrée d’une photo de 2005, avec l’ancien logo ! (???).

http://afp.google.com/article/ALeqM5gLoYhJc58nMPud_kRuY_bVnFTQAA)

Ouf ! le journal va faire son travail ! Que ceci puisse s’énoncer est formidable. En principe, cela devrait aller sans dire, comme il va de soi que le pharmacien vend des médicaments et que la pluie mouille. Pléonasme ! On en est là, tant il est de journaux sans investigations, sans inscription dans le local. Le rédacteur du Télégramme en chef peut prendre le risque de cette proclamation, qui signifie que le quotidien sera encore plus local, lancera encore plus d’investigations… car Le Télégramme est un quotidien qui marche, dont la Diffusion Payée augmente régulièrement.
Le Télégramme se veut extrêmement local, "hyper local", animateur de tous les moments de la vie locale, dont il alimente la « conversation ». "Extrême local", slogan parfait, (« extremus » est à l’origine le superlatif du latin exter, « extérieur ») : pousser le local jusqu’à ses limites intérieures, voire repousser ses limites extérieures ... à l’intérieur de celles de Ouest France. Conquête intérieure et extérieure de lectorats.
Il n’y a de contenu original, de conversation que si le journal est local, à l’extrême de l’intérieur, au cœur de ses pays. Investigation locale et contenu original vont de pair.
Pour le reste, Le Télégramme est aggrégateur, puisant lucidement dans ses partenariats avec la presse magazine (Psychologies magazine, Pédagogies magazine, Science & Vie, etc.).

Voir l'article de Didier Falcand dans Stratégie, de juin 1998, (http://www.strategies.fr/archives/1062/106205201/dossier_le_succes_du_telegramme_en_cinq_lecons.html) et celui, plus bref, et récent, de Chrisitine Monfort dans La tribune de la Vente (N° de mars 2008, avec la bonne Une).

samedi 1 mars 2008

Starbucks : Wi-Fi Mocha Latte


AT&T et Starbucks Corp. s’accordent pour fournir le Wi-Fi dans la plupart des Starbucks américains, au printemps 2008. 7 100 cafés, 12 millions de clients. Réaction à la concurrence, certes, mais surtout transformation progressive des cafés et de leurs usages sociaux. Lieux publics où l’on se remet de ses émotions, professionnelles, sentimentales, où l’on travaille, où l'on attend. Points de départ et d'inflexion de réseaux sociaux réels. Pause, pour recharger, dans la vie des villes «tentaculaires». Sur l'évolution numérique de Starbucks, voir Starbucks, expérience média totale.

« Cosy, friendly, home away from home », Starbucks réinvente le café. Dans les cups, recettes complexes, personnalisables, café « to go », brûlant ou glacé, complice de mobilité. Dans les salles, pour l’atmosphère, Starbucks a joué d’emblée sur la musique, allant jusqu’à commercialiser ses playlistes ou des CD gravés à la demande (« Hear Music Coffee House »). PlayNetwork fournit environnements sonores et compiles. Starbucks a également passé un accord avec Apple pour les téléchargements : connexion gratuite pour acheter musique ou vidéo sur iTunes (« iTunes Wi-Fi Music Store »). Occasion de constituer une base de données des audiences et des présences.

Internet prolonge logiquement cette stratégie de fidélisation. Désormais, le client qui paie avec la carte de fidélité Starbucks bénéficie de deux heures de connexion gratuite. Les clients "infidèles" doivent payer 3,99 $ pour deux heures ou disposer d'une carte mensuelle AT&T à 19,99 $ qui donne accès à tous ses hotspots (70 000 dans le monde). Ce nouveau modèle est deux fois moins onéreux que le précédent (mis en place avec T-Mobile, dont le contrat s'achève : "Connect over coffee").

Hors du foyer, les médias se multiplient. Les Américains "actifs" passeraient près d'un cinquième de leur temps dans un espace intermédiaire entre travail et domicile. C’est cette durée transitoire que travaillent à meubler simultanément Internet et Starbucks mais aussi tous les médias de points de vente, de transport et de lieux de vie. McDonald’s Corp. a installé le Wi-Fi dans 9 500 restaurants américains donnant l’accès gratuit à certains abonnés AT&T, les autres payant 2,95 $ pour deux heures. Cette stratégie Wi-Fi fait école : Kinko (impressions en tout genre) s’y met aussi (10$ par jour ou 6 $ l’heure avec T-Mobile, et propose aussi le café), les centres commerciaux (malls) également (certains pour 3$ par jour). Société mobile qui réinvente ses relais. Evolution de l’offre de l’opérateur télécom qui mise de plus en plus sur Internet et de moins en moins sur la téléphonie fixe (landline phone service).

L’exigence d’Internet partout et gratuit ou selon un forfait simple et définitif fait son chemin dans la tête des consommateurs mobiles. Smartphones, iPods et iPhone accentuent cette demande. Les universités y sont passées, les collectivités locales y viennent.
Le modèle payant à la demande est anachronique, insupportable, incommode : dans un hôtel ou un aéroport, le client a l'impression d'être racketé pour le Wi-Fi, comme s'il s'agissait d'un luxe superflu. Le modèle gratuit, publicitaire ou via une carte de fidélité, semble inévitable.
A propos, qui mesure les audiences de ces internautes mobiles, hors du foyer, décidément mauvais "gibiers de panel" ?
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