dimanche 27 avril 2008

Dé-placement de produits




Charm! est le roman réel d’un personnage de fiction. L’ "auteur" est un personnage du soap opera, “All My Children”, diffusé depuis janvier 1970 sur le network ABC (Disney) en mi-journée mais aussi sur la chaîne thématique SoapNet (65 millions de foyers abonnés) en début de soirée. Ce soap a été "testé" par TF1 au printemps 2003, sous le nom de "La Force du destin" et abandonné.

Chaque épisode dure une heure. Le personnage et pseudo-auteur Kendall Hart est la fondatrice d’une entreprise de parfum qui se console dans l’écriture de la disparition de son mari. Charm! est son œuvre, roman écrit dans le même ton, avec les mêmes ingrédients que le feuilleton.

http://abc.go.com/daytime/allmychildren/index.html

http://soapnet.go.com/soapnet/show/path-showname_allmychildren

Publié par une filiale de Disney (Hyperion), le titre a fait sa place dans la liste des best-sellers du New York Times et aurait déjà vendu plus de 100 000 exemplaires dans les librairies réelles. Mais il est aussi en vente dans les librairies fictionnelles du feuilleton ! Kendall Hart a aussi son blog (http://www.kendallhart.com/) …

Un parfum, du même nom que le roman, "Charm!", a été en lancé en mars, distribué par Sears (comme les parfums de Victoria Beckham, de Céline Dion ou Britney Spears). Autour du flacon, pend un petit porte-bonheur (en anglais, "a charm").

Comment se lient pour le marketing le réel et le virtuel ? Comme le placement de produit fait vivre un produit du monde réel dans une fiction, Charm! donne une vie réelle, une "vraie vie" à un produit né de la fiction, dans la fiction : dé-placement de produit.

Pourquoi pas en généraliser le principe ?

Les émissions de télé-réalité, selon un script plus ou moins précis serviraient d’incubateurs de produits et de services, les meilleurs produits ou services franchiraient la frontière du feuilleton pour aller vivre leur vie sur les rayons d’un supermarché, d'une librairie ou d'un grand magasin. La "Star Ac", "Super Girl" ( "超级女声") ou "American Idol" appliqués au marketing.

1 commentaire:

Anne Malhotra a dit…

Le placement/ « dé-placement » de produit prend aujourd’hui une toute autre dimension dans une société alerte et active dans le processus de marketing. L’idée d’une émission de téléréalité autour d’un produit semble intéresse mais moins sous la forme d’une Star Ac’ que sous la forme d’une expression culturelle.
Cette société du « post clic » - pour reprendre la terminologie de Rob Walker dans Buying In – aime être prise en considération et avoir son mot à dire ans les processus marketing. Cela a commencé avec la naissance de la télécommande qui a permis au téléspectateur de contrôler à distance («remote control ») ce qu’il regardait. Ce geste-clé s’est étendu à l’ordinateur, à la console de jeu, au lecteur mp3 et autres. Ce geste permettait de trouver le contenu le plus adapté parmi les centaines de chaînes câblées, les milliers de chansons sur son iPod, les milliards de sites internet. En somme, le clic est ce geste qui permet de trouver le juste stimulus d’information parmi une infinité de possibilités. Les individus ne sont plus passifs : ils contrôlent le media et la demande de contenu pertinent en devient de plus en plus exigeante. La manière de mêler le réel et le virtuel doit être de plus en plus réfléchie. Vendre un fantasme seul ne suffit pas toujours. Charm’s est un excellent exemple. Cependant, les choses sont aujourd’hui passées à un niveau supérieur. A cet égard, la création d’émissions de téléréalité autour d’un produit semble surprenante mais fait sens.
Je ferai référence à Axe qui a su transcender chaque canal de communication afin de s’établir comme déodorant de référence aux Etats-Unis. En effet, Unilever et BBH ont présenté, en 2006, leur produit comme un aimant attirant les jolies filles jusque dans la douche. Dans toute leur stratégie marketing, ils ont réussi à flouter expression commerciale et expression culturelle en utilisant chaque media de manière pertinente et inattendu en délivrant un contenu surprenant pour une marque de déodorant. Plus encore, ils ont réussi à anticiper l’exigence de la société actuelle en créant un jeu de téléréalité – « Game Killer » – sur MTV. Game killer désigne un homme qui a pour mission de faire concurrence à d’autres hommes en particulier en présence de femmes. Ce concept de jeu va encore plus loin que le placement de produit ou le « dé-placement » de produit.
Ils ont entièrement créés le contenu du jeu en utilisant le même brief que pour leur campagne publicitaire. Comme l’explique Greg Myers dans Ad Worlds, la marque devient le contexte pour l’expression d’un pouvoir, d’une possibilité, par la mise en scène d’un monde virtuel. Or ici, la marque est le contexte et le texte à la fois. Le réel et le virtuel se cristallise alors dans le monde virtuel du produit établit dans le réel par la marque. A ce stade, cette marque n’était plus en compétition avec des déodorants mais avec des films, des émissions télévisées, etc.
Comme le dit Waddick Doyle dans l’article, From Naturalisation to Sacralisation, “Omniprésente, la marque doit laisser son empreinte sur le corps, l’environnement, tout en invoquant une croyance dans ses capacités de transformation et de différenciation. »