lundi 9 juin 2008

Economie de la télévision locale

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Le GIE Les Indépendants (111 radios locales et régionales) a remis en jeu, deux ans plus tôt que prévu, son contrat de régie ; la régie était assurée depuis 1992 par Lagardère Publicité
Mise à jour 20 juin 2008 : TF1 Publicité a gagné l'appel d'offres estimé entre 50 et 75 millions d'euros de recettes publicitaires nettes (environ 150 en brut tarif).

TF1 Publicité compte une trentaine de stations de télévision, locales ou régionales en régie (octobre 2007). En même temps, francetélévisions publicité, NRJ Group et le Groupe Hersant Média, éditeur de Paru Vendu, ont créé Uni TV Publicité, régie de télévisions locales et régionales (novembre 2007).
Finalement, les grandes régies télé s’intéressent au local. Depuis un an, le CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) distribue les fréquences TV locales et publie une brochure intitulée "Créer une télévision locale hertzienne terrestre en mode numérique" : la France finira par être couverte de stations locales et régionales de télévision (stations TNT, IP ou canaux locaux du câble). La révolution numérique est donc l’occasion en TV d’un sérieux rattrapage culturel.

Jusqu’à présent, les opérateurs publicitaires français n'ont vu dans la télévision locale qu’une bizarrerie américaine, ne valant que pour un vaste pays : comme si l’espace de vie quotidienne défini par les administrations courantes, la scolarisation, les soins, le commerce, le travail et le domicile variait selon la taille du pays (cf. la recherche de Albert-László Barabási , Marta C. González, César A. Hidalgo, “Understanding Individual Human Mobility Patterns” publiée en juin 2008 dans Nature, qui montre, à partir d’un exemple européen, la stabilité des déplacements, presque tous accomplis dans un rayon de 10 km) ! Il aura fallu le numérique pour que la TV s’éveille de son sommeil jacobin. Pourtant le succès constant du couplage de la presse quotidienne régionale 66.3 (PQR66) constitue depuis 1991 un signal positif. M6 s’est bien essayé au réseau local, en collaboration avec la PQR, mais la réglementation qui interdit le financement des décrochages par la publicité locale ne lui laissait que peu de chance de succès.

Barter syndication
Mais de la régie nationale de médias locaux à un modèle économique d'une télévision de type network, il y a loin. Car le modèle américain est fondé sur le troc en réseau (barter syndication) : la station paie une partie de sa programmation en espace publicitaire local, que le producteur de programmes revend en l’agrégeant en espace national, devenant ainsi régie publicitaire nationale. La station échange son audience locale contre des programmes en affinité avec cette audience, laissant à la "main invisible" du marché de l'audience le soin de faire de justes prix. Attention : la syndication de l'échange ne fait que compléter une programmation locale déjà ancrée dans la vie locale, à base d’information locale, et qui assure la formation d'une audience locale. On est encore loin de ce système en France.
Si le modèle économique du network est simple en son principe, son réglage géographique ne l’est pas. Quelle est la dimension adéquate, l'"optimum local" ? Aux Etats-Unis, le réglage des zones de chalandise télévisuelles et publicitaires (DMA) s’affine régulièrement, depuis des décennies, au comté près (l’équivalent d’un canton français). Pas si simple ! Le Washington Post s’essaie à l’hyperlocal --"l’hyper proximité" comme dit TF1 -- avec un site Internet visant Laudoun county : un an après son lancement, la situation du site reste délicate pour avoir sous-estimé l’information locale continue, sans laquelle il n’est pas de média local. Pas si simple de couvrir une agglomération et de mobiliser sa population et des contributions journalistiques locales.

"Quant à moi, je suis de mon village"
On ne fera pas de télévision locale sans journalisme local, sans localiers de terrain, dans leur village comme des poissons dans l’eau, spécialistes du menu de la cantine, des travaux de voirie, des concours de boule et des conseils municipaux… Américains ou Français, nous sommes tous du "côté de chez nous" : quelques rues, un village dans la ville ou dans la campagne : rien n’a changé depuis Diderot, encyclopédiste et pourtant indécrottable langrois, qui clamait : "Quant à moi, je suis de mon village".
L'oubli du local aura privé la télévision, et notamment les producteurs français, d’un gisement publicitaire important, et les PME d'une capacité de communication commerciale à leur échelle. La télévision américaine doit une grande part de sa réussite à ce gisement local. Aux Etats-Unis, TF1 et M6 seraient des réseaux de stations locales, auxquelles ils fourniraient des programmes nationaux. C’est de cette structure mixte que naissent les « Ugly Betty », « 24 » et autres « House ». Pas de network national sans implantation locale. La régie pourrait constituer une étape dans cette direction.
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