dimanche 27 juillet 2008

Quand Internet compense la TV : vers un marché média unifié

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Lorsqu'une régie TV garantit une audience à son acheteur (client direct, agence média), elle prévoit des mécanismes de compensation pour le cas où le niveau garanti ne serait pas atteint. La procédure est courante dans l'achat TV américain depuis des décennies (N.B. Seul l'achat upfront est assorti de garanties, l'achat scatter n'en prévoit pas).

La mécanique commerciale des compensations se propage désormais d'un marché publicitaire à l'autre, de la TV à Internet.
On a déjà connu des cas où une audience insuffisante sur les écrans de la chaîne généraliste donnait lieu, faute d'espace disponible sur cette chaîne, au transfert des compensations sur des chaînes thématiques du même groupe. Il est de l'intérêt commercial de la régie de mainterir une offre en scatter (généralement un tiers de l'offre totale) ; or les compensations assèchent cette offre publicitaire, provoquant une diminution de chiffre d'affaires que ne compense pas la hausse des prix de cet espace devenu plus rare (ce qui incite les annonceurs à acheter d'avantage sur le marché upfront l'année suivante, etc.).

La régie publicitaire de ABC (Disney), le network américain, met en place une garantie qui prévoit d'effectuer les compensations éventuelles (make-goods) sur les sites de streaming du groupe. Exemple (fictif) : une chaîne a garanti n GRP sur une cible 25-49 pour une émission du jeudi soir ; l'audience réalisée s'avère inférieure à cette garantie, la chaîne compense avec de l'espace publicitaire dans les écrans de streaming du groupe (sites du groupe, plateformes diverses).
On passe donc d'une gestion mono-support de l'inventaire publicitaire à une gestion pluri-support (ou multi-plateforme), intra-groupe. Car on peut aussi imaginer des compensations d'Internet en TV ou sur des réseaux d'écrans dans les hypermarchés, les transports (digital signage). Le marché publicitaire devient ainsi plus dynamique et flexible donnant davantage d'espace à la créativité commerciale.
  •  Cette pratique confère à la diversification  multiplateforme des groupes médias une importance stratégique.
  • Discrètement, un système d'équivalences entre différents supports de publicité se dessine, définissant implicitement un "équivalent général" entre actions publicitaires ("cristal qui se forme spontanément dans les échanges", comme l'appelait Marx). La compensation devient monnaie publicitaire courante. A terme, se profile un marché où seraient cotées les monnaies publicitaires, définissant des parités et permettant toutes les opérations monétaires usuelles. La métaphore peut mener loin : quid d'une banque centrale, de réserves obligatoires, etc. Un marché média unifié se profile.

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