mercredi 15 octobre 2008

Présence rédactionnelle à vendre


Selon l'enquête annuelle de Milward Brown pour PRWeek et Maning Selvage & Lee, on estime qu'un responsable marketing américain sur cinq (252 personnes interrogées) a troqué de l'espace publicitaire contre de la présence rédactionnelle : si vous parlez de mon produit, de mon entreprise, je placerai de la publicité dans votre média. Play-for-play ! 
Plutôt que condamner bien haut ce qui se fait tout bas, interrogeons cette pratique ! Ne représente-t-elle pas le passage à la limite de notions de médiaplanning telles qu'emplacement préférentiel, contexte programme, contrat de lecture, toutes notions prédictrices d'affinité ? Ne s'agit-il pas d'exploiter au mieux un "support" (de publicité) pour faire valoir un produit, un service, etc. ? Relèvent de la même collusion intelligente : les publi-rédactionnels, publi-reportages, infomercial / documercial / edumercial, programmes courts, parrainage, underwriting, placement de produits, sans oublier tout le bruit médiatique obtenu par relation presse (RP) et, bien sûr, les "liens sponsorisés" achetés et placés dans les résultats de recherche. 
Qu'est-ce que cela signifie ? La publicité serait un produit qui se dévalorise en se révélant ? L'efficacité de la publicité croîtrait comme son taux de dissimulation (ou mieux, comme la distance entre célébrant et célébré). Fâcheux postulat qui prend les consommateurs pour des nigauds ("Toute publicité, [ ] doit pouvoir être clairement identifiée comme telle" stipule l'article 20 de la Loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004). Allons donc ! Tout le monde "connaît" la logique publicitaire et sait reconnaître la publicité quand il la rencontre. Ces démarches où la publicité s'avance masquée ne trompent personne, sauf quelques stratèges média ou planners stratégiques empêtrés dans leur condescendance. 
On en est à l'information commerciale, ni plus ni moins digne que tout autre domaine d'information. Tout aussi utile. D'ailleurs, qui croit encore que l'information littéraire n'est pas aussi de la publicité "payée" par les éditeurs, que l'information sur les films (acteurs en tournée de lancement, passant de TV en magazines pour vanter leur film ou leur concert) n'est pas aussi de la promotion "payée" par les studios ? Et de même pour l'information médicale, oenologique, financière, télévisuelle, touristique, etc. Combien de contenus parmi les plus nobles qui ne sont que du commercial ? Quant à la politique ...

Si l'on prend au sérieux toutes ces pratiques publicitaires, si l'on cesse d'en appeler à l'ethique et à la déontologie, plusieurs remarques opérationnelles viennent nécessairement à l'esprit. 
  • Les médias sont inégaux devant ces pratiques. Tous n'ont pas d'espace rédactionnel à vendre, à dissimuler dans leur contenu. Sur Internet, du fait de la relative non rareté de l'espace, la différence s'estompe, la transparence s'affiche, même si des marques croient encore devoir enrober leur information commerciale dans du "conseil" désintéressé au consommateur. Qui est dupe ?
  • Comment sont pigées et valorisées ces interventions "rédactionnelles" ? Pour être efficaces, il faut bien que les modèles d'efficacité publicitaire les prennent en compte dans leurs analyses.
  • Dans nombre de cas, la distinction contenu / publicité relève d'une véritable casuistique ; d'ailleurs, la jurisprudence des tribunaux s'y perd.En témoigne la délicate application d'une définition opérationnelle de la publicité par la Commission paritaire (CPPAP) : entre des contenus comme un défilé de mode, la "critique" d'un spectacle, les guides d'achat, d'une part, et un message publicitaire, d'autre part, "quel dieu verrait la différence" ?

  • L'essence du médiaplanning qui consiste en marketing indirect, qui fait le détour par un média, faute de pouvoir réaliser un marketing direct, im-médiat, est la collusion (terme étymologiquement noble, "jouer ensemble"). Après, aux instrumentistes, tuttistes et solistes de bien s'accorder pour que le média final sonne juste. 

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