mercredi 1 avril 2009

Evénement et quotidien


En mars 2009, CNN (groupe Time Warner) était, selon les mesures de l'audience en cours, la troisième des chaînes d'information continue aux Etats-Unis, derrière Fox News (News Corp) et MSNBC (NBC Universal). Un peu plus de un million de téléspectateurs par jour de semaine pour CNN ou MSNBC, presque 3 millions pour Fox News en prime time.

Quel diagnostic dresser de cette situation ? 
  • Pas d'actualité politique extraordinaire (guerre, élection), "A slow news period", faible audience. L'ordinaire ne fait pas l'audience. Pourtant chaque jour apporte aux Américains sa part de cercueils, de Bagdad ou d'Afghanistan, pourtant la "crise économique" va bon train. Mais, même malheureux, ceci ne fait plus événement. Le téléspectateur s'y est habitué. 
  • Pas assez de "opinion shows" qui compenseraient le manque d'extraordinaire en fabriquant de l'actualité, Fox News a mis en place de telles émissions ("The O'Reilly Factor", etc.) . Une chaîne d'infos - on l'oublie - ne suit pas seulement l'actualité, elle la "fait" aussi, elle "l'invente".  Un média doit fabriquer sa matière. Les grands médias du sport l'ont fait (ESPN, L'Equipe, La Gazetta dello Sport, etc.). Seule la météo, et encore, vit en permanence dans l'événement, d'où son succès. 
En ligne, en revanche, le classement est différent. MSNBC.com est en tête (41 millions de visiteurs uniques) devant CNN (36 millions), loin devant Fox News (16 millions). Pour remonter la pente, Fox News lance Fox Nation, simple blog d'opinions patriotiques ("It is a community that believes in the American Dream"). A la manière de iReport, lancé par CNN, il s'agit d'introduire les contenus produits par les médianautes ("Unedited. Unfiltered").

Utilisons ce constat, à titre d'hypothèse, comme analyseur du déclin de la presse d'information quotidienne.
La partie de la population qui s'informe régulièrement passe sur Internet, plus commode, plus divers, plus riche, personnel, parfait pour la vie de tous les jours (comme le fut en son temps le "journal à un sou", 1867). Les irréguliers attendent un événement pour lire un journal "quotidien", qu'ils traitent comme un magazine (ce dont Libération eut l'intuition). Le quotidien papier n'est plus fait pour le quotidien, il lui reste l'événement. Le modèle économique confirme et accentue ce diagnostic. Le quotidien aurait ainsi deux avenirs, l'un en ligne, l'autre en magazine (ce dont témoigne déjà la multiplication des hors série, des suppléments).

Si cette hypothèse est confirmée : les médias traditionnels, papier, lourds à mettre à jour, au contenu complexe, comme la télévision devraient se réfugier dans l'événement, quitte à le provoquer (Star Ac, épisode final d'une série) ; le régulier, le quotidien sera de plus en plus en ligne, léger, courant réactif. Les périodiques, entraînés à l'événement, à la synthèse approfondie souffriront moins que les quotidiens dans leur support papier.
Ainsi se dessine une division du travail entre supports. Nous reviendrons sur ce diagnostic pour l'enrichir ou le révoquer en doute.

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