lundi 13 juillet 2009

Panels : téléspectateurs et internautes


Nielsen tambourine l'augmentation de la taille de son panel d'internautes aux Etats-Unis. Le machine à communiqués de presse est en marche : les copiés /collés déferlent, ça c'est de l'info (et de la veille) ! Et comme Nielsen contrôle l'essentiel de la presse professionnelle des médias, la couverture est généralement objective.

Dès qu'Internet a fait l'objet d'exploitations publicitaires (1995), Nielsen, qui assure aux Etats-Unis l'audimétrie télévision, a transféré son savoir faire en matière de panels à l'étude des audiences Internet. Et nous voilà avec des panels d'internautes sur le modèle des panels de téléspectateurs. Copié / collé.
Depuis ces débuts, les annonceurs et les agences médias ont fait connaître leurs objections à ce type de mesure, tout en l'utilisant pour le médiaplanning.
  • La première objection, la plus courante, tient à la taille du panel d'internautes, insuffisante pour approcher la longue, très longue traîne des sites Internet. L'univers d'Internet est incommensurable avec celui, pourtant très étendu, de la télévision américaine. Et même si l'on multiplie par dix le nombre des panelistes (230 000 personnes aux Etats-Unis pour Nielsen 300 000 pour Comscore), la majeure partie des sites et de leurs diverses composantes échappent à un filet si lâche ; surtout si l'on recherche des cibles fines, ce qui constitue l'avantage compétitif d'Internet sur les autres médias. Un plan média réalisé dans de telles conditions n'exploite qu'une partie du patrimoine Internet, ignorant les sites les plus marquants, émergents, les affinités les plus subtiles avec les marques et les produits (granularité insuffisante).
  • La deuxième objection tient à la représentativité des panels. Comment obtenir une représentativité satisfaisante par quotas quand on sait à quel point il est difficile de recruter des panélistes aujourd'hui. Les biais de recrutement sont nombreux, sociologiques, qui se compliquent de diverses limites technologiques et logicielles, qui sont autant de multiplicateurs d'exclusion de certains types d'internautes. D'où viennent ces milliers de panélistes, où les a-t-on trouvés, à quel prix ? Comment fonctionne cette pêche miraculeuse aux panélistes ? Introuvables en télé, facile à enrôler pour Internet ?
  • La troisième objection tient à la désarticulation des consommations que provoquent les données issues de panels, alors que l'une des caractéristiques discriminantes des consommations Internet est le lien qu'elles tissent entre les sites visités (web, weben = tisser) : d'où l'on est venu, d'où et vers où l'on est reparti, chaque internaute tissant sa longue traîne de sites. Internet a de la suite dans les idées : autant que la consommation, c'est le cheminement des internautes qu'il faut compter. Un site prend son sens dans une série et une convergence. Au contraire, les données de panels délient les consommations, accumulent des données isolées, atomisées. Le panel d'internautes c'est un peu le sac de pommes de terre, selon la métaphore de Marx pour décrire la paysannerie française. Troisième objection d'autant plus forte que ce micro-tissage de sites s'accompagne d'un macro-tissage inter-média : de la télévision à Internet, etc.
Internet n'est pas la télé. A tout prendre, que la télévision s'inspire des mesures d'audience Internet, pas l'inverse ! Surtout qu'aux Etats-Unis, les panels radio et TV font régulièrement l'objet de nombreuses récriminations à propos de leur représentativité ; la plus récente concerne des panels radio d'Arbitron à qui l'on reproche de sous-représenter les minorités (une enquête de la FCC est en cours, diligentée par la Chambre des Représentants).
Nielsen insère désormais dans son panel d'internautes les membres de foyers recrutés déjà pour le panel TV, afin d'approcher les consommations bi-média. Que peut-on espérer de cette fusion d'imprécisions hétérogènes, que penser de l'accumulation d'exigences pesant sur les foyers doublement panélisés ?

La situation se complique des divergences entre les mesures produites par différents panels ; ceci conduit les utilisateurs à choisir la mesure qui les avantage (cf. la problème récent avec Hulu, qui préfère comScore, qui lui attribue des audiences plus élevées). Ceci présente au moins un intérêt : révéler les bizarreries de ces mesures, alors que la télévision, comme la plupart des médias traditionnels, n'a plus qu'une mesure, ce qui met à l'abri de désobligeantes comparaisons !

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