dimanche 21 février 2010

Foot, audiences et suspense

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Quelle sera l'audience de la Coupe du monde de football ?
La question agite experts et logiciels de prévision d'audience ; la recette est connue : mouliner les données passées, extrapoler, redresser par quelques variables spécifiques (tranches horaires de retransmission, équipes en lice), ajouter un doigt de constantes pifométriques, et voilà. Et c'est sûrement faux.

C'est d'abord l'effet du direct. Personne n'a vu le match en avant-première, ni journalistes bien introduits, ni pirates habiles... Mais surtout, tout est possible. L'histoire du foot le montre à foison. Et les mauvais spécialistes errent, et les très bons se trompent, mais avec talent. Le foot, c'est le suspense assuré : cela appartient à son essence, à la structure et à la définition même du jeu. Un gardien de talent, chanceux, peut retourner un match, un grand joueur peut perdre la boule et, d'un coup, enliser son équipe... Même l'arbitre est imprévisible et joue son rôle pour brouiller les pronostics. Tout est déjà arrivé, les annales le démontrent, mais il s'en invente encore. Sur une saison, les bons spécialistes sont capables de prévisions convenables. Sur un seul match,  non.

Le foot est le dernier refuge du suspense à la télé. On connaît toujours, très tôt, le dénouement d'un film, l'invention est si limitée, le bruit précédant la sortie est si fort que l'on sait presque tout anticiper : après quelques épisodes de "House" ou de "24", on peut imaginer l'issue, même si quelques péripéties sont imprévisibles parce qu'invraisemblables deus ex machina. Une fois plantés décors et personnages, les combinaisons possibles sont évidentes. Quant aux talk shows et autres variétés, ce chewing gum fade, on saurait en écrire les répliques cousues de langue de bois et de fil blanc. Tout y est tellement prévisible, "tension narrative" nulle.
Dans le foot jamais. On a beau tout savoir, on ne sait jamais rien. Plus on disposera de statistiques, d'historique et plus on aura de suspense. Car l'information ne tue pas le suspense, au contraire, elle en est le moteur même. Cf. Hitchcock : "The essential fact is, to get real suspense, you must let the  audience have information".

Sous le charme de ce principe d'incertitude, l'audience de la Coupe du monde est a priori radicalement imprévisible. Après coup, bien sûr, de savants commentateurs nous l'expliqueront, tout aura été éminemment prévisible.
Pour l'audience et le médiaplanning, le suspense a déjà commencé.
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1 commentaire:

Loic Coelho a dit…

Voilà pourquoi la coupe du monde de handball est très légèrement diffusée...

Le suspense est terminé dès que les paris sont ouverts!