mardi 8 juin 2010

La nouvelle expérience télévisuelle

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Les étudiants du Master 226 de l'université Paris Dauphine organisent un colloque sur "la nouvelle expérience télévisuelle". En sortant de cours, les conversations allaient bon train et certains étudiants m'ont mis au défi de traiter le sujet par la négative. Défi relevé, en cette période d'examen, à la manière des dissertations classiques, en trois parties.

Première partie. Où l'on acccorde à cette question quelques concessions positives. D'abord, il y a davantage de chaînes pour la plupart des foyers. Ensuite, les écrans des téléviseurs sont plus agréables, les images plus belles. Et il y a plusieurs appareils au domicile.


Deuxième partie. Où l'on évoque l'expérience concrète, courante du téléspectateur.
D'abord, il lui est difficile de trouver et sélectionner un programme. La presse de télévision est de moins en moins adaptée. La télécommande ? A raison d'une par appareil (set-top box, manétoscope, lecteur enregistreur DVD, téléviseur, etc.), embouteillage assuré sur la table basse, où, de toute façon manque celle dont on a besoin. Navigation laborieuse. Un bug ? On débranche tout, on rebranche, et l'on attend que tout se réinitialise. La nostalgie de Windows 95 nous étreint. Et soyons charitable, ne parlons pas des modes d'emploi des appareils : ils ne sont pas conçus pour être lus.
Quand il s'agit de naviguer, de rechercher et trouver quelque chose, aller d'Internet à la télé est une expérience déprimante, insupportable : Google, Apple, par pitié, aidez les !


Troisième partie. Où l'on explore, en synthèse, la liberté du téléspectateur (note du claviste : la liberté, c'est toujours pratique en troisième partie !).
L'offre élargie de télévision s'achète en bouquet. Le marketing des opérateurs est en retard de plus d'un siècle sur celui du fleuriste qui laisse ses clients composer leur bouquet librement, fleur à fleur. En télé, des allumés du marketing ont concocté des bouquets insensés. Car eux savent mieux que le consommateur. Ils choisissent à sa place, de peur qu'il ne choisisse pas les bonnes chaînes, le plus de chaînes possibles, et que certaines chaînes, du fait de l'insupportable liberté du téléspectateur, se trouvent privées d'audience. Le bouquet, vous dis-je ! Alors que le marketing des produits numériques ne parle que personnalisation, souhaite que "cent fleurs s'épanouissent", l'opérateur de télévision impose ses bouquets, SA télé.
Parlons VOD. Formidable, mais l'offre est restreinte et la longue traîne est à la traîne. Mais nous voici à nouveau à la merci de la télécommande. Errer, touche après touche, en haut, en bas, à gauche, OK... et parcourir une arborescence aux catégorisations bizarres. Mauvaise touche ? Trop tard, mais c'est payé. Et l'on recommence tout à zéro ! iTunes, amazon, par pitié, aidez les !


Conclusion. Le téléspectateur est né libre et partout il est dans les fers des chaînes et des grilles... des ergonomies lourdes et d'un marketing condescendant. Et, pour couronner cette expérience, en plus de la facture de l'opérateur, tombe en automne celle de la redevance. Expérience annuelle, en rien nouvelle. L'habitus télévisuel n'a pas évolué depuis la télécommande et le magazine TV : il reste prisonnier de gestes analogiques. 

Bon, la dissertation est un genre à forme fixe, le sujet est imposé.
J'aurais dû faire rêver : rattrapage, VOD, télé connectée, HD, 3D, interactivité, widgets, etc. J'aurais pu parler télécommande iPad, capping publicitaire transféré en télévision, Hulu, Netflix... Certes, mais, ici et maintenant, l'expérience télévisuelle vraiment nouvelle, c'est YouTube et Dailymotion. La "nouvelle expérience télévisuelle", c'est à Internet surtout qu'on la doit. 
Et pour le Grand Soir de la révolution numérique, comptons plutôt sur Google et Apple.
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1 commentaire:

Cedric Soares a dit…

Un grand merci pour cet exercice d'interprétation du thème à contre-pied. Votre aide nous a été précieuse dans la préparation de la conférence.