vendredi 10 septembre 2010

Le dur désir de ne pas durer

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Google Instant accélère son moteur de recherche, la recherche s'effectuant au fur et à mesure que l'on écrit prédisant l'avenir de notre recherche à partir de résultats passés, obligeant à trier immédiatement parmi des suggestions de résultats. Quels effets ?
Manifestement, Internet est une culture d'optimisation systématique de la durée, une culture d'anticipations, une culture de gestion des probabilités. Ceci doit nous amener à remettre en chantier le profile médiatique de la notion de durée (déclinons ici la notion de "profile épistémologique" de Bachelard).
La culture média traditionnelle sur-valorisait la durée : durée d"écoute (DEA / DEI), taux d'assiduité (stickyness), durée d'exposition, de lecture, etc.
Internet inverse ce profile : la durée sur Internet est connotée négativement, du temps perdu pour tout le monde, un manque à gagner, un coût de renoncement toujours croissant. Le contraire de l'efficacité. La culture numérique recherche l'instant, l'instantané. Média de l'im-médiat, Google Instant en est une illustration. Google Instant compense la lenteur de frappe et prétend faire gagner 2 à 5 secondes par recherche en produisant les résultats avant que l'on ait rentré complètement l'expression dans le cartouche de recherche ("search as you type"). Le gain de temps nait de l'écart entre vitesse de frappe et vitesse de lecture, la pensée obéissant mieux à l'oeil qu'au doigt. Question d'ergonomie... qui affectera (légèrement) la manière dont sont comptées les impressions.
Quelle pertinence accorder, dans une telle optique, aux "révélations" d'analystes, brandisant comScore ou Hitwise, selon lesquelles on passerait plus de temps sur Facebook que sur Google ? Aucune.
Comment cette accélération affectera-t-elle, dans le moyen terme, les comportements de recherche ? Les effets seront-ils différents selon les langues (longueur des mots, etc.) ? Notons encore que Google Instant semble proche dans son principe de Google Scribe, accélérateur, prédicteur et correcteur d'écriture.

Les changements induits par Google débordent largement  la question des contenus et des modalités d'accès aux contenus, Google change insensiblement nos habitus les plus intimes, les moins visibles. En ce sens, nous devenons cette "res googlans", cette "chose qui pense" de plus en plus avec Google, comme Google.
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