dimanche 3 février 2013

I want my Netflix


Netflix compte 27,2 millions d'abonnés aux Etats-Unis (T4, 2012), plus que SiriusXMRadio, plus que DirecTV, que Time Warner Cable ou que Dish network : la télévision en streaming (OTT) est lancée. Seul parmi les distributeurs américains, Comcast compte davantage d'abonnés.

Désormais, Netflix doit franchir un cap décisif, celui de la production originale, production qui assure la réputation, l'indépendance et l'image de marque (tel HBO). Dans cette optique, commençait vendredi 1er février la diffusion de "House of Cards" (reprise d'un polard politique de la BBC, 1990, 4 épisodes de 50 mn, mini-series inspirée du roman de fiction politique de Michael Dobbs, 1998). Budget : 100 millions de $). Ce n'était pas la première production de Netflix, Lilyhammer (2012) l'avait précédé. A son service, Netflix dispose de données de consommation pour ses 27 millions d'abonnés (téléchargements par acteur, émission, genre de programmes, réalisateur, etc.) : Big Data !

"House of Cards" introduit une révolution d'une ampleur qui pourrait faire changer de base la culture télévisuelle. Les 13 épisodes (60 minutes) de la série sont disponibles en même temps : toute la "saison" est publiée d'un seul coup (pour le lancement, le premier épisode est gratuit pendant un mois). Abolie, l'idée de rendez-vous télévisuel (appointment TV), abolie la standardisation du rythme standard de consommation (hebdomadaire notamment, épisode par épisode) imposées par le distributeur et sa grille, finie la notion de "saison télévisuelle" avec son rendez-vous annuel et ses rituels (upfront market, etc.). Consommation groupée (binge viewing) ou étalée : à chacun(e) de voir. La consommation des émissions de télévision devient une affaire personnelle, se rapprochant de la lecture des livres. En mai de cette année, les 14 épisodes de "Arrested Development" seront aussi publiés le même jour, confirmant cette nouvelle pratique de distribution délinéarisée.
Ainsi, notre culture de consommation télévisuelle se désagrège et se réorganise. Ce n'est déjà plus de la télévision, c'est Netflix. Et déjà l'on entend murmurer, en Europe, "I want my Netflix"...

N.B.


  • Les livres connurent autrefois une même mutation ; d'abord, ils ont été publiés en feuilleton dans la presse, à dose hebdomadaire ou quotidienne, avant d'être reliés en un seul livre. Au XIXe siècle, le public attendait la publication de son feuilleton (suspense). La "livraison périodique" rendait la lecture plus accessible aux foyers pauvres (ainsi, par exemple, fut justifiée la publication de la traduction en français du Capital de Marx ! ).
  • Le mode de publication, qui généralise la personnalisation du rythme de consommation, rend difficile voire délicat le partage "social" des réactions ("social TV"). Mais ce type de partage n'est-il pas surtout l'effet de la diffusion en épisodes : on en parle en attendant ? Si l'on n'attend plus, on en parle moins.
  • La promotion de la série exploite évidemment les données évidemment exclusives dont dispose la base de données Netflix. Plus tard la production les exploitera également. Marketing de la création...
  • La série de Netflix a été lancée par une diffusion dans une salle de cinéma new yorkaise prestigieuse (Lincoln Center) ; le principe en a été repris et étendu pour le lancement de la série "Rectify" en avril 2013 par Sundance Channel.

  • 8 commentaires:

    Unknown a dit…

    Suite à la lecture de votre article, je souhaite réagir sur le nouveau modèle de diffusion délinéarisée des épisodes sur Netflix. C'est peut être un avis qui ne concerne que moi, mais je crois que le principe même de suivre une série intègre cette période d'attente, d'anticipation. Ce qui permet de créer un univers autour de la série. Je pense que si on parle d'une série, c'est parce-qu'un rendez-vous est crée pour le téléspectateur. Ce rendez-vous c'est la possibilité de fidéliser un publique. Et ensuite la possibilité de laisser réagir les téléspectateurs sur ce qu'ils ont vu via les réseaux sociaux, les blogs, le site de la série... Si on obtient tout d'un coup, y'a pas ce même sentiment, on est plus obligé de voir tous les épisodes pour voir enfin que John et Pam s'embrassent dans les dernières 5 min du mid-term season. On a pas cette attente insoutenable pendant tout le mois de décembre à s'imaginer la suite. On consomme juste, de façon égoïste et on interagit plus avec la communauté. Alors qu'une série à succès dans mon cas tient dans ce laps de temps où lorsque l'on fini l'épisode, de 1: on se dit que c'était trop court. 2:on se dit qu'on ne pourra jamais tenir 7 jours

    Unknown a dit…

    Ce que je trouve frappant, c'est que les usages audiovisuels, les pratiques, s'individualisent complètement: chacun se crée son menu, avec ses contenus, ainsi que le rythme de visionnage. On peut désormais de plus en plus choisir ce qu'on va regarder, mais aussi comment on va le regarder...
    On imagine que Netflix a de bonnes raisons de proposer tous les épisodes d'une saison en même temps, et de rompre avec les diffusions plus traditionnelles... même si certains trouvent ça dommage peut être que ca répond à un besoin pour 'autres utilisateurs...

    CCHABAL a dit…

    Arrêtez-moi si je me trompe mais on a un service de vidéos et de télévision en flux continu, qui proposent pour 7,99$ par mois, un film ou une série sur tablette, ordinateur, téléviseur.. et ce, sans publicité !!! So, I want my Netflix too !!
    Il est indéniable que Netflix révolutionne les codes de la tv et doit très certainement faire trembler les diffuseurs traditionnels.
    Cette mise à disposition du consommateur de l’ensemble d’une saison est une aubaine pour la mobilité. Je peux regarder quand je veux, ou je veux et autant que je veux. La liberté de consommation est laissé libre à l’utilisateur qui n’a plus les contraintes horaires, ni de grilles de programmes des diffuseurs. Dans ce modèle, une grande flexibilité d’usage lui ait offerte.
    Il faut tout de même reconnaitre que ce modèle de visionnage, risque d’exclure le caractère social des rendez-vous hebdomadaires télévisuels. Moment de partage collectif, partage d’une expérience, débat sur la diffusion d’un épisode le lendemain avec des amis…, tout cela à de fortes chances d’être occulté si chacun consomme de son côté.
    L'avenir de tout cela semble passionnant et est à regarder de très près.

    François Aubagnac a dit…

    Là où Netflix est très fort, c'est qu'il est le seul à proposer de manière légale un usage qui est désormais la norme sur internet.
    Tous ceux qui ont goûté à la série délinéarisée apprécient pouvoir choisir leur manière de la consommer et privilégient de facto le piratage car c'est là (du moins jusqu'ici) l'unique solution d'avoir ce qu'ils veulent.
    En proposant une série en entier dès sa sortie, Netflix tape un grand coup car il offre aux "téléspectateurs" ce qu'ils attendent, s'adapte à leurs nouveaux modes de consommation, à leurs nouvelles habitudes.
    N'en déplaisent à ceux qui aiment l'attente créée par le mode de diffusion classique d'une série, la plupart des gens s'est habituée à avoir "tout, tout de suite" et appliquent ce style de vie à la série.
    Mais bien sûr, ces nouveaux modes de consommation effraient les acteurs historiques car ils bousculent fortement l'ordre établi et il est très difficile pour des personnes qui ont toujours diffusé d'une certaine manière de faire autrement. Pour autant, les acteurs américains, avec Hulu, semblent avoir mieux compris le problème qu'en Europe et notamment en France où beaucoup de freins empêchent l'OTT de se développer correctement (chronologie des médias, pression des producteurs...).
    Rien d'étonnant par conséquent à ce que Netflix soit attendu avec impatiente en Europe.
    Comme le dit très bien CCHABAL, I want my Netflix too !

    LolaJ a dit…

    Netflix est le numéro 1 de la SVOD mais il est loin d'être le seul!Présent dans plusieurs pays comme la Grande Bretagne, la Suède et le Brésil pour ne citer que quelques exemples, Netflix est le roi de la SVOD. Films, séries, documentaires TV, on peut y retrouver tous nos programmes préférés.. A noter tout de même que Netflix n'est pas accessible depuis la France! Cependant, ce type de plateforme se multiplie! En effet, Lovefilm et depuis peu "Watchever" pour l'Allemagne mettent à disposition des contenus toujours renouvelés. Ce qui pose un problème à ces plateforme est le public auquel elle s'adresse. En effet, Netflix UK ne propose pas exactement les mêmes programmes que Netflix Brésil.. Ainsi le succès d'une plateforme SVOD réside dans les programmes adaptés qu'elle propose. Hate de voir débarquer Netflix en France!

    Lin Emilie a dit…

    Aujourd'hui, Netflix représente 33 millions de menbres à travers 40 pays et plus de 1 milliard d'heures de films ou TV par mois.
    En effet, Netflix bouleverse tous les anciens modèles, il propose des films ou des séries en flux continu sur internet ou de la SVOD, on peut désormais choisir ce qu'on veut regarder et à tout moment. De plus, s'il met tous les épisodes en même temps, cela va permettre de garder l'attention des abonnés, souvent nous perdons des téléspectateurs au cours d'une série car ils perdent l'envie de continuer dû au temps d'attente du prochain épisode.
    Ce nouveau mode de consommation tout à fait légale montre une vraie flexibilité pour les utilisateurs de consommer quand ils le désirent.
    Ces réels haussent de nombre d'abonnés chez Netlix fait qu'il est responsable de 29% du trafic internet en Amérique du nord en 2011 pendant les heures de pointes (c'est-à-dire en soirée).

    Elsa F. a dit…

    Un des avantages, me semble t-il, de diffuser les épisodes en bloc et de façon délinéarisée est d'augmenter la durée de vie des programmes. Les contenus, autrefois dépendants des grilles de programme, et donc du calendrier des chaînes de télévision, étaient considérés comme démodés dès qu'ils passaient en 2ème diffusion, et plus encore, lorsqu'ils étaient re-programmés sur des chaînes thématiques à petit budget.
    La consommation délinéarisée libère les consommateurs des logiques de programmation, et leur permet de constituer leur propre calendrier.
    On peut établir schématiquement la consommation type d'un amateur de série. Il va dans un premier temps choisir, parmi les séries à succès du moment, celles avec lesquelles il aura le plus d'affinités. Son choix va se faire sur 2 ou 3 programmes. Il va donc consommer, jusqu'à l'épuisement de la série, entre 5 et 8 saisons liées à des thèmes variés. Ce n'est qu'après avoir consommé la totalité des épisodes qu'il fera un nouveau choix, et s'incorporera dans la communauté d'aficionados d'une nouvelle série. Mais le temps qu'il épuise ses premiers choix, il va s'affranchir du calendrier et du rythme de sortie des nouveautés. La frontière entre nouvelle et vieille série me parait plus poreuse. D'autant que l'offre s'est considérablement décuplée, fort de créations U.S à succès.Il est donc quasi impossible d'être à jour sur toutes les séries, pour autant on peut souhaiter les regarder tardivement. De ce constat, on peut tirer deux conséquences: un plus fort amortissement des contenus - cela rejoint la logique de la "long trail" - et par ricochet, un plus fort investissement dans la création. I want my netflix too!

    Marion Carnel a dit…

    Comme le dit LolaJ, "le succès d'une plateforme SVOD réside dans les programmes adaptés qu'elle propose" et également le caractère inédit et exclusif des fictions en ligne. Cependant, on est loin en France de donner la possibilité à de telles plateformes de se développer...La chronologie des médias qui ouvre une fenêtre pour la SVOD à 36 mois impose des délais stricts et contraignants. Donc oui à Netflix, mais avant ça la chronologie des médias devra être nécessairement modifiée pour que les plateformes de SVOD soient attractives !