jeudi 29 août 2013

Concentrations dans la télévision américaine

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Rappel : la télévision américaine est locale, un network réunit plus de 200 stations locales pour tendre vers une couverture nationale des foyers TV. Si elle est affiliée à un network, une station locale diffuse l'essentiel de la grille de ce network, à quoi s'ajoutent des productions locales (information) et des émissions (programmation enfant, séries, talk shows, etc.) choisies et achetées par la station elle-même et diffusées simultanément par plusieurs stations (syndication).

La concentration dans la télévision locale s'accroît : des groupes contrôlent directement un nombre plus grand de stations locales. Cette concentration vise la mise en commun des outils d'administration, des moyens techniques et des rédactions (devenant pluri-médias). Elle vise surtout l'accès à un niveau de puissance permettant de négocier à armes égales avec les distributeurs (réseaux câblés, télécoms, satellite). Elle doit aussi permettre de résister à l'effet d'initiatives comme Aereo.
Deux groupes procèdent à des acquisitions importantes : Gannett Company et Tribune Company vont contrôler plus de 40 stations chacun.
Ces deux groupes sont des groupes média mixtes : télévision locale et presse locale et régionale. Ces deux groupes sont aussi engagés sur le Web. Gannett contrôle USA Today et 82 journaux locaux dans des grandes agglomérations ; Tribune contrôle le Chicago Tribune, le Los Angeles Times et plusieurs quotidiens, etc
Pour chacun de ces deux groupes, renforcer la part de la télévision rééquilibrera le modèle économique. La fusion leur donnera aussi davantage de poids pour les négociations de retransmission-consent avec les opérateurs du câble et du satellite (Time Warner et DirecTV essaient d'ailleurs de bloquer la fusion Belo-Gannett).
  • Le groupe Tribune rachète le groupe Local TV Holdings pour 2,725 milliards de $ ; l'achat ne sera effectif qu'à la fin de l'année 2013, si la FCC donne son accord. Local TV compte 19 stations qui s'ajoutent aux 23 détenues par Tribune.
    • Après fusion, Tribune détiendra 42 stations dont 14 stations affiliées à CW, 14 à Fox, 5 à CBS, 3 à ABC, 2 à NBC et 4 stations indépendantes. L'ensemble couvrira 44% des foyers TV américains (ce qui dépasse la limite établie par la FCC, 39%) et constituera le premier groupe de stations affiliées.
    • Cela devrait faciliter la distribution de WGN, sa chaîne du câble (retransmission consent)
  • Le groupe Gannett rachète le groupe Belo (20 stations) pour 2,2 milliards de $. Avec 43 stations, l'ensemble deviendrait, après acquisition, le 3ème groupe de télévision locale, couvrant près du tiers des foyers TV américains. Cf. le dossier de la transaction à la FCC. Cf. infra aussi carte des stations.
Ces mouvements de concentration en cours indiquent que la télévision locale, pour être efficace et rentable, doit reposer sur un modèle pluri-local, voire même, à terme peut-être, national (cf. PQR66). En effet, si les annonceurs sont locaux, si l'information est locale, les infrastructures numériques automatisées peuvent s'amortir au plan national et nécessiteront de moins en moins d'implantations locales dispersées. L'économie publicitaire numérique pousse également à la concentration des moyens, mais peu à la concentration géographique des contenus. En revanche, elle permet et stimule les concentrations pluri-média.

Comparer à la situation européenne ? En Europe, les groupes de presse régionale contrôlent peu (ou pas du tout) de télévision régionale et ne peuvent donc guère espérer amortir le travail d'information et de régie publicitaire sur plusieurs médias.

Cette évolution de la concentration locale suscite aux Etats-Unis des débats sur la révision de la réglementation  (cross-media ownership) : la réglementation devra être redéfinie par la FCC pour tenir compte du Web et des nouveaux acteurs omniprésents sur les marchés locaux comme Google ou Facebook.
Source : USA Today, June 13 2013

lundi 26 août 2013

Interférences politiques du journalisme

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Médias et politique : comme le titre à la une le dauphiné dans son édition de dimanche (article de Xavier Frère, p. 30), on assiste à un recyclage de compétences, à des reconversions même. Il y en eut de célèbres, Ronald Reagan, journaliste sportif, devenant président de la République, Sarah Palin animant une émission après son échec aux présidentielles américaines. Combien d'anciens journalistes de la télévision française font une "carrière politique" ?

Politique et médias exploitent donc les mêmes talents d'animation, mobilisent un même capital social accumulé lors de semblables fréquentations, de relations communes. Politique et médias exploitent les mêmes compétences de rhétorique générale ("polémiste", bateleur). Une même propension à la people-isation les caractérise : aller de la politique aux médias (en attendant) et retour permet d'entretenir une notoriété qui ne souffre pas l'absence.
L'information sportive a donné l'exemple depuis longtemps en recyclant des champions retraités pour analyser et commenter les événements sportifs.
Tout ceci s'organise en un mercato médiatique et il en va des animateurs radio et TV comme des footballeurs professionnels. Les médias s'achètent des politiques, pour faire du spectacle, pour faire de l'audience.

Cette confusion des genres compromet l'indépendance du discours des médias, leur objectivité. Cette collusion dé-professionnalise l'image du journalisme d'information et le fait s'apparenter à une activité d'amateur (pro-ams). Elle accentue et généralise la people-isation de la représentation politique... Politique spectacle qui dévalorise l'élection, la république et le métier de citoyen.


jeudi 22 août 2013

Achat d'espace publicitaire : de l'upfront au progammatic

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La vente traditionnelle de l'espace publicitaire prime time de la télévision américaine s'est accomplie pour cette année 2013-2014, comme pour les précédentes, d'une manière traditionnelle, inchangée depuis près d'un demi-siècle. Au total, près de 20 milliards de $ d'espace publicitaire a été réservé.
Depuis quelques années, les ratios essentiels n'ont guère varié, malgré des audiences quelque peu en baisse, surtout les audiences en direct :
  • l'augmentation de CPM, légèrement inférieure à celle de l'an passé, se situe entre 6 et 7,5 %.
  • le part de l'espace vendu upfront tourne autour de 75% (50% pour les chaînes du câble), 
  • la part  de marché des chaînes du câble dépasse 40%, pour un chiffre d'affaires voisin de celui des networks terrestres généralistes.
L'upfront dont les chiffres restent flous (déclaratifs) est un indicateur de l'intérêt que présente la télévision grand public aux yeux des annonceurs. La bourse, sensible à cet intérêt, a réagi positivement : les grands groupes de télévision ont gagné 30% au cours de l'année écoulée (quand le NASDAQ a gagné 17%).

Seule CW, dont le coeur de cible est jeune (18-34 ans), innove et, pour la troisième année, pratique une vente "convergente", multiplateforme, intégrant espace classique sur la chaîne et espace numérique sur le Web fixe et mobile.

Et, pendant ce temps là, sur le Web, les annonceurs achètent des data ; les cibles sont configurées automatiquement, les prix sont fixés mathématiquement, en temps réel (RTB). C'est le règne de l'algorithme.

En ce qui concerne l'achat d'espace à la télévision, rien de "programmatic" : pas d'Adexchange, de RTB (Real Time Bidding), pas de DMP (Digital Management Platform) ; sans doute par crainte de voir les prix s'effondrer, la télévision résiste à l'automatisation. Pour combien de temps encore ?
Le groupe Interpublic Mediabrands vient de lancer un pavé dans la mare. Avec quelques groupes média, radio et télévision (Clear Channel, Tribune, A&E Networks, Cablevision, et, depuis fin septembre, ESPN), Interpublic teste une commercialisation automatisée.
L'objectif premier est de s'aligner sur les pratiques du Web, de proposer de meilleurs ciblages et d'améliorer la transaction commerciale, actuellement laborieuse, lente et coûteuse. Il ne serait pas encore question d'enchères, toutefois. La plateforme serait réalisée avec Adap.tv, la plateforme vidéo que vient de racheter AOL. A suivre.

mardi 20 août 2013

The end of 3D TV?

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How is 3D TV doing ? Not well.
ESPN 3D has said it was stopping 3D production for sporting events by the end of 2013. The BBC also is stopping production and will not launch a 3D channel: why ? "lack of public appetite for the technology". In 2013, the French tennis open (Roland Garros) was not broadcast by France Television in 3D anymore.

Last year, Canal+ (France) stopped broadcasting its 3D channel in France. In Australia, Foxtel will stop broadcasting 3D programs next week. ESPN 3D will close at the end of the year, BT Sport calls 3D "a waste of time".
There are still 3D channels: in the US, DirecTV still has 3D lineup (with ESPN 3D and 3net), but for how long? ; in Turkey, 3D exists within Digiturk's package (with Discovery); in France, Orange offers 3D on canal 333 as well as some VOD and there is still a Canal+ 3D in Spain. And there is Sky3D in the UK.
Among the reasons mentioned by operators against 3D TV: the price of a 3D TV set, lack of programming, the need to wear special glasses at home...
Being "smart" for TV will not include 3D.
3D was supposed to be the next big thing for TV, people were supposed to buy expensive 3D TV sets... It will not happen.
For the time being, you can still watch 3D movies in theaters...

dimanche 18 août 2013

Le sport, limite du modèle économique de la TV

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Les opérateurs de télévision américaine (câble, satellite, telecom) doivent limiter les hausses du prix de l'abonnement au câble et au satellite et maintenir leur marge. Pour cela, ils leur faut réduire le prix payé pour la retransmission des chaînes, et notamment des plus chères, les chaînes sportives. La bataille est constante :
  • Dish Network se fâche avec Disney à propos de ESPN (98 millions d'abonnés) : le contrat expire fin septembre 2013. Dish déclare être prêt à envisager de ne plus retransmettre les chaînes de Disney. ESPN facture 5,71 $ par abonné, par mois (pour deux chaînes, selon SNL Kagan).
  • DirectTV refuse de retransmettre PAC-12 Network, un ensemble de 7 chaînes sportives dont 6 régionales.
  • Fox semble avoir eu du mal a convaincre les opérateurs de retransmettre ses nouvelle chaînes sportive FS1 et FS2 : DirecTV, Time Warner Cable, Dish Network et Bright House Networks se sont finalement mis d'accord. Ensemble, ces opérateurs représentent 50% des abonnés potentiels. FS1 remplace Speed qui coûtait 31 c / abonné / mois, Fox en aurait demandé 80 pour FS1.

  • DirectTV, AT&T (U-verse) et Suddenlink refusent de retransmettre CSN Houston (la chaîne des Astros et des Rockets) qui demande $3,40 $ par abonné, par mois. En revanche, ils proposent de la vendre à la carte, ce que CSN Houston n'accepte pas.
  • Le coût du sport est évoqué dans le désaccord entre Time Warner Cable et CBS (retransmission-consent).
Comme le sport est responsable de la hausse des abonnements ; certains opérateurs voudraient le sortir de la vente groupée en bundle et le vendre à part. Hors bundling, la plupart des chaînes disparaîtraient car elles ne trouveraient ni abonnés ni annonceurs. Quant à ESPN, elle devrait être facturée une trentaine de dollars / mois aux abonnés. Le nombre des "abonnés" diminuant, les revenus publicitaires diminueraient aussi.


Le spectacle sportif représente 50% des coûts de programme payés par les "abonnés" mais 25% des contenus consommés seulement : les contenus sportifs sont donc payés deux fois trop cher, en moyenne (on parle d'un "impôt sport"). Sans cet "impôt", certains abonnements pourraient baisser de moitié pour ceux qui ne consomment pas de sport, d'autres doubler, au moins.
Une partie des téléspectateurs qui s'intéressent peu au spectacle sportif ne veulent plus payer aussi cher et se désabonnent (cord-cutting : près d'un million de foyers au cours des 12 derniers mois) ; les nouvelles générations ne veulent pas d'abonnement (cord-nevers) préférant des modalités commerciales à la carte (iTunes) ou des forfaits non agrégés (Netflix).
Certains agrégateurs comme Verizon (Fios) ou Cablevision (MSO) commence à réclamer de pouvoir payer les chaînes en fonction de leur audience, c'est à dire, pour la plupart, rien.

Avec la critique radicale du bundling, le modèle économique de la télévision est remis en question. Le bundling, c'est à la fois l'agrégation de contenus qui fait les chaînes et l'agrégation de chaînes qui fait les bouquets (forfaits). Pyramide d'agrégations caractéristique de la culture des médias analogiques, déjà mise à mal dans le domaine de la musique et de la presse.
  • La télévision actuelle, issue d'une culture analogique, est une agrégation d'agrégations 
  • La culture numérique donne un accès direct au contenu primaire et peut facturer à l'unité
Certains économistes estiment que la fin du bundling télévisuel (désagrégation liée d'ailleurs à la délinéarisation) se traduirait pour l'industrie télévisuelle américaine par une chute des revenus de 50% tandis que survivraient moins d'une vingtaine de chaînes (au lieu de plusieurs centaines aujourd'hui). Si seul le sport était touché par la désagrégation, la chute des revenus seraient moindre mais importante pour ce secteur des programmes.
Aux consommateurs comme aux annonceurs, la désagrégation apporterait la vérité des consommationset des prix, et la transparence des coûts : on n'achète que ce que l'on désire regarder, et l'on ne regarde que ce que l'on achète. Aurait-on encore besoin de mesure d'audience ?

lundi 12 août 2013

Le téléviseur, la tablette et le multiscreentasking

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Que retenir de la dixième étude annuelle de l'OFCOM consacrée à l'évolution du marché de la communication en Grande-Bretagne : Communications Market, Report 2013, Research Document, 1 August 2013, 434 p. ?

Tout d'abord, quelques éléments de cadrage
Quatre heures de télévision par jour, en augmentation pour tous les groupes d'âge, sauf les 25-34 ans, presque trois heures de radio dont un tiers via des plateformes numériques. 50% des personnes utilisent un smartphone, 53% des foyers utilisent un DVR, 79% un ordinateur. Par voie postale, les ménages envoient 8 courriers par mois et en reçoivent 8 par semaine. Un quart des foyers possèdent au moins une tablette. Moins de 5% des foyers possèdent et ont branché un téléviseur connectable.

Première conclusion. L'impact télévisuel limité du multitasking télévisuel
Le multitasking est globalement pratiqué régulièrement par deux adultes sur trois : 62% "multitaskent" avec des appareils numériques, à quoi s'ajoute le multitasking ordinaire, non pris en compte par cette enquête : lecture de magazines, du guide de programmes TV, loisirs créatifs, discussions familiales, etc.).
L'essentiel de ce multitasking s'effectue en dehors de toute relation avec l'émission regardée, donc sans effet publicitaire ou promotionnel. Les deux écrans restent la plupart du temps dissociés, n'induisant guère de social TV.
Le mérite et l'originalité de l'analyse du multitasking télévisuel par l'Ofcom consiste à distinguer en effet deux types d'activités ayant lieu durant la consommation de télévision : celles qui sont en relation avec le programme de télévision regardé (meshing) et celles qui ne le sont pas (stacking).
  • Plus du tiers des personnes (36%) recourt plus ou moins régulièrement à au moins deux écrans, simultanément (multiscreentasking ou meshing), principalement avec un smartphone. D'abord en recourant au téléphone (voix, message). Ensuite, de manière moindre, en recherchant des infos sur le Web ou en utilisant des réseaux sociaux. Les possesseurs de tablette multitaskent plus que les autres. Le multiscreentasking touche davantage la population féminine et jeune. Peu d'interactivité directe avec l'émission.
  • Quant au stacking qui représente l'essentiel du multitasking (56%) et qui est consacré à une activité numérique sans rapport avec l'émission regardée, il est surtout consacré à parcourir le Web, à tenir des conversations téléphoniques, traiter ses e-mails et être actif sur des réseaux sociaux. 
Deuxième conclusion. L'importance télévisuelle croissante de la tablette
La tablette apparaît comme un appareil tout terrain, utilisé pour tout mais surtout pour la télévision et le cinéma pour lesquels elle supplante le smartphone. La tablette devient un support essentiel de la télévision, linéaire ou catch-up, utilisée avec des applis : c'est un véritable téléviseur connecté et portable. C'est aussi un appareil partagé par tous les membres du ménage, notamment avec les enfants. Comme le téléviseur. De par toutes ses propriétés, la tablette est accélérateur de multitasking.


mercredi 7 août 2013

Socio-démo : ménage, ménagère, manager

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Un ménage peut être défini comme un ensemble d'unités de consommation (UC) : dans cettte évaluation, un adulte compte pour 1, les autres personnes de plus de 14 ans pour 0,5, les personnes de moins de 14 ans pour 0,3. Par exemple, un foyer composé de deux adultes et deux enfants de moins de 8 et 11 ans compte 1 + 0,5 + 0,3 + 0,3 = 2,1 UC (échelle OCDE, recommandée par l'INSEE) ; cette échelle, qui succède à l'échelle dite d'Oxford, est critiquée pour sous-estimer le coût des enfants.

Selon l'INSEE, un ménage est composé des personnes vivant dans la même résidence principale. La notion de ménage est indifférente aux liens de parenté ; le ménage peut ne compter qu'une personne. Pour appartenir à un ménage, les membres doivent faire "bourse commune" (contribution et partage).

En 1982, l'INSEE est passé de la notion de "chef de ménage" à celle de "personne de référence du ménage", ainsi définie :
"La personne de référence du ménage est déterminée à partir des seules 3 personnes les plus âgées du ménage. S'il y a un couple parmi elles, la personne de référence est systématiquement l'homme du couple. Si le ménage ne comporte aucun couple, la personne de référence est l'actif le plus âgé (homme ou femme), et à défaut d'actif, la personne la plus âgée".
Même modernisée, cette définition rend mal compte de la réalité économique et culturelle, de l'économie domestique.

Une journée moyenne en métropole, en 2010.  Source : INSEE, Layla Ricroch et Benoît Roumier, o.c.
Quelle est la réalité de la vie des ménages ?
On peut l'approcher par le budget-temps des membres d'un ménage. C'est l'objet du travail de recherche effectué par Layla Ricroch et Benoît Roumier (cf. "Depuis 11 ans, moins de tâches ménagères, plus d’Internet", INSEE Première, N°1377, novembre 2011). Comment évolue la répartition des tâches domestiques dans les ménages ? Le temps passé à la cuisine diminue, comme celui passé au ménage et aux courses. Les hommes bricolent moins et s'occupent davantage des enfants. Mais, surtout, principal résultat de cette enquête, les femmes assurent toujours la plus grande partie des tâches domestiques. Elles y consacrent moins de temps qu'avant, mais toujours beaucoup plus que les hommes (une heure et demie de plus). Notons toutefois, "l'invisibilité du travail domestique masculin" (cf. Florence Weber, Le travail à-côté. Une ethnographie des perceptions, Paris, editions HESS, 1989, 2009) et la notion, délibérément imprécise, de semi-loisir, rebelle au calcul (cf. Philippe Coulangeon, Pierre-Michel Menger, Ionela Roharik, "Les loisirs des actifs : un reflet de la stratification sociale", Economie et statistique, N° 352-353, 2002).

Qui décide de quoi dans un ménage, de quels achats ? Qui est "Principal-e Responsable des Achats" (RDA, PRA) alors que le nombre de ménages comptant deux actifs devient la norme et que les femmes sont plus diplômées que les hommes (cf. INSEE, Diplôme le plus élevé obtenu en 2011, selon l'âge et le sexe) ? Quel achat fait l'objet d'une décision collective, négociée, "familiale" (problème d'attribution) ? 
Pour l'essentiel, les femmes sont majoritairement responsables des achats domestiques ("main shopper") dont elles sont les principales prescriptrices et utilisatrices (FMCG, alimentation, etc.). D'après Kantar (Worldpanel, "Le shopper version homme"), dans 15% des cas, les hommes sont responsables des achats. Dès lors, en toute logique, les femmes ne sont-elles pas par défaut personnes de référence ? Si dans un ménage il y a des femmes, la plus âgée devrait être "personne de référence du ménage"... Pour le reste, la définition usuelle de l'INSEE s'applique (le plus âgé, etc.). Plutôt que de ménagère, ne vaudrait-il pas mieux parler de managers du ménage, voire même d'auto-entrepreneur, entrepreneur de soi-même (Michel Foucault) ? Ne parle-t-on pas parfois aux Etats-Unis des femmes comme "household CEOs", PDG du ménage ?

En attendant que la terminologie épouse l'évolution des moeurs, et que l'appliquent les questionnaires de recrutement des panels et les enquêtes de cadrage, la télévision continue de vendre des cibles "ménagères". Désormais, on parle même de "ménagères numériques" : moins de 50 ans, responsables des achats et qui se connectent à Internet au moins une fois par semaine, selon Media in Life. Pourquoi moins de 50 ans, alors qu'un nombre croissant de femmes accouche après 35 ans (cf. INSEE) ? Pour l'étude de référence de la presse, One / Audipresse, est ménagère "la femme qui dans le foyer se définit comme telle" : mais quelle femme aujourd'hui se définit comme ménagère ? Prudente, l'étude donne des statistiques pour chacune des trois catégories : ménagère, personne de référence, responsable des achats... 

dimanche 4 août 2013

Presse, le début de la fin du papier ?

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Le groupe allemand Axel Springer AG vient d'abdiquer. La presse papier, c'est presque fini.
Le groupe vient de vendre à Funke Medien Gruppe (édition papier et édition numérique), pour 920 millions d'euros, sa presse régionale, sa presse féminine et sa presse de programmes TV. Une société de commercialisation associera les deux groupes (cf. communiqué de presse).

Ce regroupement de titres ne se fera pas sans réduction d'effectifs : le syndicat des journalistes allemands Deutsche Journalisten-Verband (DJV) s'en alarme déjà. La transaction doit encore être approuvée par les organismes réglementant la concurrence et la concentration.

Vendus :

  • deux quotodiens régionaux : "Berliner Morgenpost", "Hamburger Abendblatt"
  • des magazines généralistes : 
  • des guides de programmes TV : "Hörzu”, "TV Digital”, "Funk Uhr”, "TV Neu!”, "Bildwoche"
  • des féminins : "Bild der Frau”, "Frau von Heute
  • en France aussi, le groupe a vendu en juillet des magazines (Vie Pratique, Télé Magazine) à Reworld Media. Le groupe possède en France des sites tels que aufeminin.com, seloger.com (cf. activités en France), Smart AdServer et divers titres automobiles.

  • Restent dans le groupe Springer les quotidiens nationaux "Bild" et "Die Welt" ainsi que des magazines spécialisés tels "Auto Bild", "Computer Bild" et "Sport Bild".
    Que peut-on comprendre ? Les deux quotidiens nationaux, l'un populaire et l'autre pas, opèrent une transition radicale vers le numérique (cf. l'alliance pour le mobile de ces deux titres avec Deutsche Telekom). La presse magazine spécialisée semble, à court terme, moins vulnérable que la presse magazine généraliste qui ne publie aucun contenu exclusif (ou presque), ne présente aucune barrière à l'entrée ; la coexistence des supports papier et numérique peut durer encore un peu pour des centres d'intérêts spécialisés et populaires (automobile, sport, informatique).

    Les titres cédés sont encore profitables (pour combien de temps ?), et sont de véritables emblèmes qu'il a été difficile de vendre : "Hörzu", créé en 1946, fut le magazine de la télé grand public, comme le fut, en son temps, aux Etats-Unis, le TV Guide américain ou, en France, Télé 7 Jours. Quant au Berliner Morgenpost, lancé en 1898, c'est un emblème de la capitale et de l'histoire de la presse allemandes.
    "Axel Springer va / veut devenir l'entreprise média digital leader" (page d'accueil du site Axel Springer AG.
    Revirement, réorientation stratégiques : le groupe Axel Springer n'est plus un groupe de presse papier, il devient un groupe de médias numériques. L'action Springer (MDAX) a monté de 11% suite à la publication de cette cession.
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    jeudi 1 août 2013

    Facebook passe à l'attaque de la télévision

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    En tant que support de publicité, Facebook s'attaque au marché publicitaire de la télévision. Ce n'est pas une surprise : Facebook l'avait annoncé dans le document rédigé pour son entrée en bourse.
    Cette stratégie se développe, bon gré mal gré. Les étapes en sont visibles comme la collaboration avec Walmart, par exemple.
    Plusieurs signes récents semblent concrétiser les intentions de Facebook.
    • La simplification des CGV et de l'achat d'espace
    • La mise en place d'un format publicitaire pour les annonceurs TV : le 15 secondes dont le prix unitaire pourrait atteindre 2,5 millions de dollars (on approche les tarifs les plus élevés de la télévision, ceux du Super Bowl). Les possibilités de ciblage seraient limitées : sexe / âge ; le message serait vendu à la journée avec un capping de 3 : un même spectateur ne serait pas confronté plus de trois fois au même message ; ce capping limite le gaspillage du budget de l'annonceur et le sentiment d'encombrement (clutter) du spectateur (pour des raisons techniques, la télévision ne peut pas actuellement pratiquer de capping).
    • La confrontation des audiences
      • Segment des 18-24 ans, cible pour laquelle la télévision est la plus vulnérable : auprès de cette catégorie d'âge, selon une enquête de Nielsen commanditée par Facebook aux Etats-Unis (juillet 2013), Facebook l'emporte sur les networks TV durant le prime time. 
      • La part de marché de Facebook durant la journée (daytime) dépasserait 50% des 18-44 ans. 
      • Sa performance est moindre auprès des segments de population plus âgée. 
      • L'utilisation simultanée de Facebook et de la télévision (multiscreentasking), importante, permettrait d'assurer de bons niveaux de répétition.
    Même format, mêmes cibles, même puissance que la télévision (couverture et répétition). Il ne manque qu'une mesure consensuelle et certifiée pour asseoir une comparaison opérationnelle TV / Facebook. Nul doute que Nielsen, qui assure la mesure de référence de la télévision aux Etats-Unis s'y emploie.
    La concurrence de Facebook constitue un risque pour la télévision commerciale.
    Et pour les agences média ? Les annonceurs ne pourraient-ils pas être tentés de s'entendre directement avec Facebook... Car quelle compétence particulière et nécessaire apporterait une agence à un annonceur lors d'un achat sur Facebook ?
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