dimanche 29 décembre 2013

Facebook uncool ?

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A partir d'un travail universitaire, financé par l'Union européenne, un chercheur déclare que, pour les jeunes de Grande-Bretagne, Facebook est "mort et enterré" : "it is basically dead and buried".
Cette affirmation a été reprise par de nombreux médias, telle quelle.
La formule résume les conclusions tirées d'une étude ethnographique. Selon cette étude, laissant Facebook à leurs familles, les jeunes de 16-18 ans se tourneraient vers d'autres réseaux, d'autres applis : Snapchat, Instagram, Twitter, WhatsApp.

La question que suggèrent ces conclusions est surtout celle de leur crédibilité, et d'abord de leur possibilité scientifique. Car, en fait, que peut-on savoir ?
A quelle méthodologie se fier ? Comment des adultes, des chercheurs peuvent-ils savoir ce que pensent et font les adolescents, en général, et en matière de réseaux sociaux, en particulier ?
  • De quelle ethnologie relève cette recherche ? S'agit-il de déclarations ? S'agit-il d'observations ? Conduites dans quelles conditions sociales (tout enquête établit un rapport social) ? Pendant combien de temps ? La situation d'observation ne risque-t-elle pas de perturber les personnes observées (observer effectHawthorne effect) et d'en affecter les comportements ?
  • Qui sont les adolescents enquêtés ? A quels milieux sociaux appartiennent-ils, quel est leur situation scolaire, avec ce que ceci implique de maîtrise des codes langagiers, de capital culturel, de capital social, etc. ? Des garçons, des filles ? Quel est leur équipement numérique ? Comment ces variables affectent-elles leurs opinions, leurs attitudes, leur expression ? Car comment imaginer quelque unanimité...
La question raisonnable et primordiale paraît plutôt : à quelle(s) condition(s), non intrusive(s), pourrait-on savoir ce que les adolescents font et pensent de Facebook et d'autres réseaux sociaux ? Quel pourraient-être les modes de production d'un tel savoir, leurs limites ? Comment le valider ?
En communiquant les conclusions d'une telle enquête au grand public, le chercheur laisser croire que l'on peut savoir, que c'est simple, alors que justement, comme l'on dit avec Facebook : "it's complicated". On reconnaît là les problèmes de la vulgarisation et de la communication aux non-spécialistes : le grand public demande des prophètes du monde social et il leur demande des propositions simples et frappantes, des révélations. Difficulté du métier de journaliste.

Une partie de la réponse à la question du public de Facebook se trouve chez Facebook (et Instagram), sans doute à partir d'une étude longitudinale des membres, de leurs comportements, de leurs interventions sur le réseau.
Facebook, j'imagine, se pose ces questions. J'imagine aussi que le chercheur a interrogé Facebook...
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3 commentaires:

Zysla a dit…

Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. Il semble bien, de plus en plus, qu'en matière d'étude seul compte le résultat. Quelle que soit la façon de l'obtenir. Et cela me rappelle une conversation avec un ami venant de quitter le monde des études et des sondages : le problème, me disait-il, c'est qu'aujourd'hui, les questions de représentativité et de méthodologie ne sont plus "entendables".
Alors on peut bien dire n'importe quoi à propos des jeunes et Facebook : ce qui est avancé ici est peut-être exact ... ou faux ! Le propos ne se situe pas dans le registre du vrai, du rigoureux, du démontré. Il se situe dans le registre du communicable, du surprenant, du sensationnel. Et c'est sans doute la seule chose qui importe. Le sondage, l'étude comme prétexte à communiquer. L'étude n'est plus ou presque jamais plus dans sa fonction d'origine : la connaissance.
On a beaucoup perdu dans cette évolution du métier. Et une évolution qui fait perdre, c'est une régression.

Prof. François MARIET a dit…

Merci Zysla. Pour confirmer ton point de vue, un exemple de plus : http://mediamediorum.blogspot.fr/2014/01/netflix-hbo-le-tournant.html

et l'on pourrait multiplier de tels exemples... Celles et ceux qui décortiquent les modalités de connaissance, les méthodologies sont ennuyeux.

Natacha226 a dit…

Une récente étude de Piper Jaffray (fin octobre 2014) évoque le désintérêt des ados américains pour Facebook. Seulement 45% des jeunes utiliseraient le réseau contre 76% et 59% pour Instagram et Twitter. Une raison? Il semblerait que les ados préférent les réseaux de messages instantannés où les parents n'ont pas l'habitude de trainer..
Les annonceurs l'ont bien compris: Instagram et twitter sont leurs support favoris pour targetter les teens en comparaison à facebook.
http://marketingland.com/survey-says-teens-fleeing-facebook-103174

#natacha226