lundi 3 février 2014

Self service : enquêtes à vendre


Survata vient de publier les résultats d'une étude, une de plus, sur l'évolution de Facebook chez les adolescents américains.
Selon cette enquête, reprise ici ou là, l'usage de Snapchat et d'Instagram grignoterait celui de Facebook. La marge d'erreur déclarée est de 4,9%.
Notre propos n'est pas d'ajouter une approximation ou une erreur à toutes celles que propage le Web sur ce sujet. En revanche, nous voulons pointer une évolution du marché des études.

Le taux de non-réponse n'est pas indiqué : les non répondants
("I doo'nt use any of these") sont exclus des résultats
Le site de Survata publie le questionnaire qui a été utilisé (ce qui est fort rare) ; il précise la taille de l'échantillon interrogé et la date de passation : 365 personnes de 13 à 17 ans, du 17 au 20 décembre 2013. Survata expose sa méthodologie mais ne donne pas les résultats permettant de contrôler la qualité des réponses collectées.
Le questionnaire est diffusé sur des sites d'éditeurs ("quality sites", "around the Web"), volontaires et sélectionnés, en échange de contenus proposés aux répondants (video, e-book, etc.).
Jusque là rien que de classique : c'est la pratique des collecteurs de données, des panels...
Les problèmes commencent avec l'interprétation de ce résultat. Quelle est sa fiablilité ? Qui sont les répondants (biais) ? La représentativité par rapport au recensement américain est assurée pour l'âge, le sexe et la géographie (avec quelle granularité ?). Mais ensuite ? Quel degré de représentativité, par exemple, par rapport au mode d'utilisation du Web (technographics : appareil, O.S., etc.), au milieu social (capital économique et culturel) ? Peut-être n'a-t-on interrogé que des possesseurs d'iPhone 5, de milieux aisés, etc.
  • Les résultats (Excel et Statwing) sont fournis dans les 24 heures suivant la passation.
  • La politique des prix pratiquée est simple et lisible : $1.00 le répondant. 
  • Le modèle économique est sans doute efficace. Les coûts sont faibles et presque tous fixes : les cadeaux bon marché, la distribution du questionnaire et des cadeaux est gratuite. L'analyse des données recueillies est automatique.
  • Pas de travail pour réunir un échantillon avec des quotas difficiles (de plus, on n'interroge que des internautes) 
  • Pas d'études de cadrage (establishment survey). 
  • Les coûts variables sont faibles : relecture et correction du questionnaire, marketing
Surdata, entreprise sortie de l'incubateur YCombinator en 2012, annonce sa couleur : accurate, fast, affordable (juste, rapide, bon marché).
Enquêtes et sondages en ligne concurrencent déjà et concurrenceront de plus en plus sur les enquêtes traditionnelles (par téléphone, par courrier, face à face). Survata n'est qu'un exemple. Google Consumer Survey ou Polar sont du même ordre, tout comme SurveyMonkey et bien d'autres (cf. par exemple, la liste établie par GreatBook). Sans compter les enquêtes sur mobile : cfPalmopinion, par exemple, qui propose des enquêtes sur smartphone pour le marché chinois.

Cette évolution est l'effet de l'automation que permet et généralise le travail numérique : self service (chacun conçoit et réalise sa propre enquête), dématérialisation. De nombreuses enquêtes de référence des médias se mettent à suivre cette voie pour abaisser leurs coûts. Toute nostalgie plus ou moins luddiste sera vaine : il s'agit plutôt désormais de mettre en place des contrôles garantissant rigueur scientifique et information des utilisateurs quant aux limites des méthodologies.

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