lundi 12 septembre 2016

Courir, courir : vies de héros ? (magazine Running Heroes)



The Running Heroes - Society -, hors-série semestriel de Society publié par le groupe So Press qui réalise déjà SoFoot, SocietyDoolittle (enfants), Pédale! (cyclisme), So Film.
9,9 €, 132 p.
Ce titre s'inscrit dans une stratégie de groupe cohérente, centrée sur l'observation des changements socio-culturels.
Il est édité avec en collaboration avec une startup parisienne du même nom, Running Heroes (2014). Synergie évidente, à développer...

Le sport comme phénomène de société. Le phénomène est ce que l'on met en lumière (du grec φαίνεσθαι), un objet d'expérience, perceptible et que l'on peut étudier parce qu'il se manifeste à l'observation. Propice au journalisme donc.
En effet, le running se voit partout, il existe presque toujours hors de toute fédération, de tout enrégimentement, même s'il y a des communautés de runners, qu'évoque le magazine, et des compétitions nombreuses organisées, hiérarchisées. Mais la liberté prime pour la majorité des runners : "Courez comme vous voulez ! ou comme vous pouvez", dit la une. "Les sportifs sont les héros des temps modernes. Ce magazine est notre manière de les célébrer", proclame l'édito.
Eloge de la liberté de courir n'importe où, en ville, surtout (le magazine apporte des exemples, et des idées) ; liberté de courir à n'importe quelle heure, du jour ou de la nuit, avec ou sans musique ; de courir de toutes les manières, mêmes tout nus, même en marche arrière (bel article sur le rétro-running venu de Chine)...

Phénomène de société ?
Phénomène langagier avec son histoire et sa sémantique : dire "course à pied" est démodé, "cross" encore plus, il faut préférer "running". Jogging ne va plus très bien, semble-t-il, et footing ? S'y ajoute le champ sémantique de la chaussure, celui de la quantification généralisée (quantified self, benchmarking continu grâce aux wearables). Une analyse lexicale des usages serait bienvenue...
Phénomène de groupe ? Finie la course en solitaire ? Pas si sûr. Le running comme foule ? La sociologie du phénomène évoquée dans la magazine est une sociologie sans data, sans statistique descriptive, intuitive. Dommage. Avec les appareils wearable et les applis des smartphones, le running est pourvoyeur de data riche, alliant santé et loisir, équipement et historique personnel. Prochain numéro ?
Phénomène politique ? Les périodes de propagande électorales sont propices à l'étalage des performances sportives des candidats. Attendons les prochaines présidentielles !
Phénomène historique ? Voir l'article sur le fameux cross du Figaro avec Alain Mimoun et Michel Jazy, manifestation qui s'achève suite aux attentats du 11 septembre à New York. Trop dangereux. L'attentat lors du marathon de Boston a rappelé la pertinence de la décision et l'enjeu de visibilité politique du sport.
Phénomène social ? Voir la communauté "Running Heroes" qui récompense les runners avec des cadeaux fournis par des partenaires : Nike, adidas, Garmin, OOshop, Uber, Bose... Plusieurs de ces partenaires sont annonceurs dans le magazine. Les runners peuvent partager leurs performances avec une appli, une montre, un bracelet connecté... Compétition différée ?
Phénomène économique ? L'industrie du sport et de loisirs est sur le coup depuis longtemps ; la publicité dans ce numéro en témoigne : Nike (cf. Nike+ Run Club), adidas, Puma, la montre GPS de Tomtom, Polar...
Pour couvrir plusieurs de ces dimensions, les articles racontent, en privilégiant l'humour, des histoires, des anecdotes ou des réflexions originales. Ainsi le running vu par des mal-voyants, la chaussure de running en 2050, les problèmes intestinaux du runner.

Par son positionnement original, The Running Heroes se distingue des magazines de sport consacrés au jogging et à la course à pied, aux compétitions (marathon, trail). Le magazine ne se prend pas au sérieux. Rien, ou presque, sauf de manière humoristique, sur la diététique, la nutrition, les chaussures, les performances, les entraînements, rien sur les applications et leurs fonctionnalité, sur les wearablesThe Running Heroes se distingue aussi des magazines de sport grand public, du sport spectacle avec ses people, ses résultats. The Running Heroes, magazine sans concurrents ?
Le format hors série joue son rôle favorable à l'innovation et à la prise de risque. Avec sa longue durée, il permet de tester le lectorat, la réaction des circuits de distribution (il nous a semblé bénéficier d'une excellente mise en place). Marketing à maturation lente, patient. N'est-ce pas aussi cela le temps réel ? Qu'en sera-t-il de la connaissance du lectorat puisque les hors-série pas plus que les semestriels ne sont pris en compte par les études de référence ? Dommage, dommage...

Le magazine s'avère un bon vecteur de publicité. Les secteurs tout public (bière, automobile, commerce en ligne, banque, médias y côtoient les annonceurs captifs : chaussures, complément nutritif, montre de sport, wearable... Tout se passe comme si les informations techniques du running avaient été transférées à la publicité. Féconde coexistence qu'organiserait cette division technique du travail de story telling : aux produits l'explication publicitaire des produits, au journalisme, l'analyse sociétale et le plaisir de lire.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Si le running est un phénomène de société qui a explosé ces dernières années en raison de sa facilité d'accès et de son coût minime, tout porte à croire pour l'instant que ce phénomène restera durable pendant encore plusieurs années... La dimension sociale comme vous l'avez évoquée a signé un nouveau tournant pour ce sport, et est voué à faire apparaitre encore de nombreux adeptes. mariebussy226

Anonyme a dit…

Le running permet aussi de faire passer certains messages sociétales, par exemple comme Always le fait pour mettre en avant la force physique et mentale des femmes en ayant créé l'événement "The Extra mile" au marathon de New York. Les femmes pourront courir 1km de plus que les hommes pour prouver leur force aussi bien dans le sport que dans le vie quotidienne.
LouiseCibrario226