lundi 30 janvier 2017

Concentration dans les médias américains : Verizon - Charter / AT&T - Time Warner


Verizon et Charter relancent le débat sur la concentration dans les médias aux Etats-Unis.
Il s'agit dans ce cas d'une concentration horizontale, concernant uniquement la distribution de contenus à des abonnés. Une telle fusion est aisée à analyser sur le plan de la concentration.
En revanche, la fusion AT&T / Time Warner est une concentration verticale qui concerne d'une part, la distribution de programmes à des abonnés et, d'autre part, d'importantes entreprises productrices de programmes. Elle s'apparente à la fusion récente NBCU / Comcast. De telles fusions mixtes sont difficiles à apprécier.
Après les acquisitions récentes des réseaux câblés de Time Warner Cable et de Brighthouse Networks, Charter est le second Multi System Operator (MSO) de la distribution TV aux Etats-Unis, derrière Comcast, et troisième Multi MVPD (Multi Video Programing Distributor) derrière Comcast et AT&T (qui a racheté DirecTV). Charter compte 17 millions d'abonnés TV mais ce qui motive surtout Verizon dans Charter est la distribution haut débit plus que le câble linéaire.
Ces fusions annoncées dessinent le modèle de la future économie de la télévision : broadband, mobile d'abord, pour la distribution des programmes non linéarisés. Câble, satellite et télécoms sont conduits à se rapprocher. Quid dans cette optique de Dish Networks et de Altice ? Notons encore qu'aucun des acteurs média concernés par ces fusions et acquisitions n'a de participation dans les médias locaux (stations de télévision, networks).

Ces deux énormes projets de fusion constitueront des tests pour la nouvelle administration américaine et la nouvelle FCC.
Tout d'abord, on dit que le nouveau président de la FCC est favorable aux fusions permettant aux groupes médias une meilleure profitabilité, une meilleure compétitivité. Toutefois, durant la campagne présidentielle, le candidat Républicain s'est montré critique envers les groupes média trop puissants, évoquant avec hostilité la fusion AT&T / Time Warner voire même la fusion, déjà bien ancrée dans le marché TV, de Comcast et NBCU.
De plus, la politique de neutralité du net étant remise en cause par la nouvelle administration, les perspectives des MVPD changent ; ils peuvent espérer de meilleurs revenus (cf. la stratégie de zero rating déjà mise en œuvre par AT&T et Verizon) de la distribution. Verizon a acquis des fournisseurs de contenus en ligne comme AOL (dont The Huffington Post) et discute acquisition avec Yahoo!

Quels sont les effets possibles de ces concentrations (ou de leur échec) en Europe ? Liberty Media est actionnaire de Charter Communications et l'a soutenu dans l'acquisition de Time Warner Cable. Liberty Global est le premier groupe de distribution de télévision en Europe (20 millions d'utilisateurs).

mardi 24 janvier 2017

Un nouveau président pour la FCC américaine


Ajit Varadaraj Pai
La Federal Communications Commission FCC qui compte ordinairement 5 membres (3 en ce moment, 2 étant vacants) pilote à Washington D.C. la politique américaine de la communication (TV, radio, télécoms, Web, câble, satellite, etc.). La majorité actuelle est Républicaine (2-1).

Ajit Varadaraj Pai, le nouveau président de la FCC nommé par Donald Trump, n'est pas un nouveau membre de la FCC. Républicain, il y a été nommé commissaire par le Président Obama (7 mai 2012, à la suggestion de Républicains du Sénat) : la FCC doit respecter une partition 3-2 des Démocrates et Républicains, ce qui a conduit un Président des Etats-Unis Démocrate à nommer des membres Républicains et conduira un Président Républicain à nommer un membre Démocrate.
Républicain, Ajit Pai s'y est fait remarquer par des idées libérales, partisan d'une intervention minimale de l'Etat (free market).
Avocat de formation (Harvard puis Chicago Law School), fils d'une famille d'immigrants indiens, il a travaillé au ministère de la justice, à la FCC et a été conseiller pour Verizon Communication ; il est plutôt favorable aux concentrations (AT&T/Time Warner, Verizon/ Charter ?) aux entreprises de télécoms et plutôt hostile à la neutralité du net. Il se déclare soucieux de l'équipement broadband pour tous, du retard du monde rural, se promettant de s'attaquer en priorité au "digital divide".
On peut donc s'attendre à de prochains retournements importants sur le marché américain des médias : quelles conséquences pour Amazon, Apple, AT&T, Comcast, Google, Facebook, Microsoft, Netflix ? Quelles conséquences en Europe ?

Globalement, Ajit Paise déclare partisan d'une régulation légère (not "heavy-handed") et favorable à d'importants investissements d'infra-structure. Retenons trois affirmations directrices de Ajit Pai, mises en avant sur le site de la FCC (source : FCC) :
  • "Consumers benefit most from competition, not preemptive regulation"
  • "Particularly given how rapidly the communications sector is changing, the FCC should do everything it can to ensure that its rules reflect the realities of the current marketplace and basic principles of economics."
  • "Broadband is critical in modern American life. Especially when it comes to innovation, the Internet has leveled the playing field. It’s created a democratization of entrepreneurship. With a good idea and a broadband connection, entrepreneurs anywhere can compete in ways unthinkable a generation ago."

vendredi 20 janvier 2017

La presse automobile entre dans l'histoire par la nostalgie



En septembre 2010, le magazine L'Histoire publiait, avec Les Echos, un hors-série intitulé Le Siècle de l'automobile, qui, d'emblée, déclarait : "on croit fabriquer des automobiles, on fabrique une société". Ajoutons que l'on fabrique aussi une nostalgie. Marshall McLuhan, théoricien de la culture publicitaire, écrira que l'automobile est "l'épouse mécanique" de l'homme industriel (cfThe Mechanical Bride, 1951). "Belle oubliée", "Reine", Déesse"... Que de passion et de tendresse aussi dans la champ sémantique de l'automobile ancienne...
Voiture électrique, voiture sans chauffeur. On est loin aujourd'hui de la mécanique, de la manivelle, de l'euphorie de la Nationale 7 (Charles Trénet, 1955)... Plus la technologie se modernise, plus s'accroît la nostalgie. Effet de générations aussi : à chaque génération ses nostalgies et ses souvenirs automobiles...
La nostalgie demande un recours croissant aux archives de la presse et des marques, à leur monétisation (photographies). L'automobile est toujours objet d'émerveillement et de passion, de luxe et de collection, de bricolage aussi. Tesla, déjà dix ans, nostalgie de l'avenir ?

L'histoire d'une marque appartient à l'image présente d'une marque, à son branding. Des marques automobiles sont devenues légendaires : la DS (décapotable dans The Mentalist), la 2CV (La Deuche a 70 ans rappelle Auto Plus Classiques en novembre 2018), la 4CV et leurs chevaux-vapeur, la 4L... cette dimension est présente dans de nombreux titres où l'on valorise la filiation des modèles nouveaux avec les modèles prestigieux ou légendaires anciens. L'automobile permet la datation d'une époque : "années DS", "années 2CV", titrent les magazines. Une automobile peut donner naissance à un mythe : la DS -déesse - (Citroën,1955), où Roland Barthes voit l'équivalent moderne des cathédrales (Mythologie, 1957). Même la Trabant (Allemagne de l'Est, 1958) a pu devenir voiture culte (trabbi) !

Logiquement, conjuguant culte et nostalgie, la presse magazine a lancé de nombreux titres et hors série consacrés à la célébration de l'histoire des automobiles et des marques : voitures de légende, voitures de collection, voitures fabuleuses... Acheter une marque (un nom), c'est aussi s'offrir une histoire, un patrimoine, une communauté : d'où l'importance pour une marque d'entretenir ce patrimoine (cf. Renault ClassicRenault Classic Car Club).
Nous distinguerons, arbitrairement, les magazines consacrés à une marque et ceux consacrés à un modèle plus ou moins ancien.

Approche par la marque
  • Marques de prestige : Porsche, Ferrari d'abord. La Vie de l'auto célèbre "70 ans de Ferrari"(janvier 2017) puis "EVO Ferrari 70 ans de V12" (juillet 2017), L'Automobile magazine, "La magie Ferrari"(HS de novembre 2010). Citons encore "Porsche, la fabuleuse histoire", HS de FLAT 6 Magazine, 9,9€, octobre 2015 ; "La Porsche éternelle", HS de L'Automobile magazine , mai 2012. RétroViseur, mensuel, 5,8 € HS "La saga Porsche", Porsche 911 - De 1963 à nos jours, HS de German Cars Magazine, août 2015. "Les 100 Porsche qui ont fait l'histoire" (HS de German Cars Magazine, décembre 2016, 6,5€). Evoquons aussi British Motors : "le magazine français des belles mécaniques anglaises"... Etoiles Passion. Les Mercedes-Benz d'hier et d'aujourd'hui, 6,5€, avril 2008 ; "Lamborghini Urraco P111, La belle oubliée", Rétro Passion, "Ferrari : 70 ans de course automobile", Sport Auto, 14,9€, mars 2017. "Jaguar, les modèles les plus emblématiques" (Sport Auto, février 2018, 14,9€.
  • Ou marques populaire, grand public : Chevronnés, le magazine des passionnés de Citroën, bimestriel, 5,9€), lancé fin 2013, avec la Traction, "reine éternelle", à la une en janvier 2017 ; Citroscopie Magazine. 100% Citroën-Panhard, 5,9€, bimestriel). RClassic ("le mag du losange sportif et collector", lancé en 2015, trimestriel, 5,95€), 4L magazine, "l'univers Renault 4", 4X4 Story, "le magazine de la Jeep" lancé en octobre 2011 (6,9€). "Spécial années 70", VW Power, HS Mai 2017. Le luxe et le prix n'expliquent pas tout de cette consommation certes ostentatoire mais aussi intime, miroir de la relation à l'automobile ! "100 ans de Citroën", hors série de La Vie de l'auto" (février 2019).
Approche par les modèles

"Ford mustang : 50 ans de Pony Car", HS de Sport Auto, (14,9€, janvier 2017)Deuches et méhari (le magazine de TOUS les passionnés de 2CV et dérivés), Planète 2CV (1998, relancé en 2003, 5,5€) et 2CV Xpert ("le satellite technique de Planète CV"), 6€, la DS (L'Auto Journal : "les années DS") en avril 2013, Echappement Classic, "DS Compétition & Route. 60 ans spécial anniversaire", les Dauphine Gordini, la Chevrolet Corvette (Big Block, juillet 2013), la Ford Mustang (Big Block, novembre 2012), Torque American Cars Magazine : HS "Spécial Camaro 1967-2017"(janvier -mars 2017, cf. supra), 6,5 € "la fabuleuse histoire". 100% Range Rover, "La Bible du passionné 1970-2015", 5,9 €, février 2015, "1948-2018 70 ans de passion Land Rover" (HS, Land mag supercharged, janvier 2018, 8 €), "Voitures cultes des années 70-90" (Youngtimers, lancé en juillet 2014), "Alpine. Le sang bleu 1955-2018" (HS, L'aventure automobile, mars 2018, 12 €), "Alpine. La fabuleuse histoire" (HS Auto Plus, septembre 2018, 14,9€), la Simca 1100 (HS,  L'Aventure automobile (octobre 2018, 14 €)...

Le cinéma participe à la célébration des automobiles, créant la légende et la notoriété de "belles américaines" (Robert Dhéry, 1961). L'automobile est un personnage (cf. le Ford Mustang dans "Un homme et une femme", Claude Lelouch, 1966, ou encore la Ford Torino, celle de la série Starsky & Hutch et de la NASCAR)...
Contribuent aussi à l'édifice de célébration, à l'hégémonie de la culture automobile, la couverture des rallyes, des courses et de leur historique (Monte-Carlo, 24 heures du Mans, courses de côte, cf. les HS "Le Mans" de Ouest France (mai 2015, 6,9 €), "Les instantanés de Monthléry1963-1970" par Echappement (avril 2015). Mentionnons encore la réactualisation : Rétro Course. L'actualité des courses de voitures historiques, "le premier magazine 100% véhicules historiques" (mensuel, 6,9€). La nostalgie s'alimente de collection : "4000 voitures de collections de 1900 à 1984" (HS de La Vie de l'Auto, juin 2015, 6,1€), voir "La traversée de Paris. Le musée à ciel ouvert" (janvier 2017, La Vie de l'Auto), qui s'affirme"le numéro 1 de la presse auto de collection". Voir aussi Rétro Passion Automobiles, "La voiture ancienne autrement". Classic & Sports Car, "Le N° 1 mondial des magazines de voitures anciennes" (5,95€, 2008), Gazoline : "vivre au quotidien la voiture ancienne" (1995), mensuel, 4,2 € ; carbu, " Le premier magazine 100% technique et restauration de l'automobile ancienne", lancé en mars 2009. Nitro, "L'univers de l'américaine depuis 1981", bimestriel, 5,8€ ; Auto Collector & Classic, Autoretro, mensuel, 5,6 € (sous-titre  : "Soyez moderne, roulez en ancienne !"), "Le n°1 de l'automobile de légende depuis 1980", Auto Plus ClassiquesMaxi Austin Le magazine des anciennes Mini (trimestriel, 6,9€) qui a publié un hors série Spécial 50 ans Mini (1964 - 2014), 9,9€, Mustang & Shelby Magazine (2013, trimestriel, 5,95€)... L'Authentique, la revue de le fédération française des véhicules d'époque, trimestriel, février 2018, 7€...
Et enfin, Passion 43ème ("Tout l'univers de l'auto miniature", bimestriel,  6,5€), le monde ancien des Dinky Toys..., Auto modélisme, "le magazine de la miniature automobile", avril 1995, 6,5€.
Cette accumulation, volontairement en vrac, de titres et de hors série, loin d'être exhaustive, témoigne du foisonnement et de l'actualité de l'histoire de l'automobile. Un marché de l'automobile ancienne s'est structuré, un champ ou un écosystème, avec ses guides d'achat, ses collectionneurs, ses manifestations, ses clubs, ses associations, etc.), ses fascicules, ses petites annonces, ses conseils de bricolage, ses musées, ses salons. Et surtout, sa presse segmentant des passionnés par milliers... La presse automobile, lie et mélange du passé plaisir et du présent utile. Elle rentre dans l'histoire en passant par la nostalgie. Les dernier nés : en juillet 2017, Auto Souvenir (5,95 €) met la DS21 Pallas en couverture, puis L'aventure automobile. L'histoire automobile du XXème siècle, (novembre 2017, 12 €), Automobile Verte (janvier 2018)...

Terminons cet inventaire désordonné avec "la petite auto", poème visionnaire de Guillaume Apollinaire, inaugurant, il y a un siècle, une "époque nouvelle" et une re-naissance Calligrammes, 1918 (Gallimard, 1965) :

    "Nous comprîmes mon camarade et moi
    Que la petite auto nous avait conduits dans une époque
    Nouvelle
    Et bien qu’étant déjà tous deux des hommes mûrs
    Nous venions cependant de naître"

Avec la voiture électrique, "verte", silencieuse, numérisée et sans chauffeur, les automobiles à essence ou diésel vont prendre un grand coup de vieux et devenir plus que jamais objets de collection et de nostalgie avec leur mécanique surannée (levier de vitesse, volant ramenés au rang de la manivelle qui lançait le moteur...). La nostalgie va prendre de la vitesse et Capital peut titrer sur "la voiture de demain" (HS, septembre 2018, 5,9 €), connectée, intelligente, propre... enfin !


*Mentionnons l'histoire refoulée de la Volkswagen, hitlérienne : issue du dessin d'un ingénieur juif dépossédé, attribuée à Ferdinand Porsche et Adolf Hitler, devenue Käfer, Beetle ou Coccinelle et inspirant la 4CV de Renault... Renault dont la collaboration avec l'Allemagne hitlérienne fut un moment peu glorieux de l'histoire automobile française (cf. le dossier de cette collaboration par Annie Lacroix-Riz).